L'article 4 du Code civil dispose de l'obligation de juger et de l'interdiction du déni de justice pour le juge. L'article 5 de ce même code prohibe les arrêts de règlements et obligeant le juge à appliquer le droit.
Ces deux articles peuvent de prime abord paraître contraignants pour le juge et restrictifs quant à ses fonctions et ses pouvoirs. Mais ces articles sont en réalité une source de liberté pour le juge, car sa faculté de juger est consacrée législativement, ainsi que les modalités du contrôle qu'il exerce. C'est pourquoi ces deux articles ont fait craindre à certains auteurs la possibilité d'un gouvernement des juges, c'est-à-dire un abus de pouvoir de l'autorité judiciaire. Le droit serait alors défini au fur et à mesure des espèces, selon un contrôle d'opportunité. Ce contrôle consisterait à tirer parti des circonstances pour les utiliser au mieux, et en transigeant si besoin est, sur les principes. Le juge adopterait alors un comportement qui règle un conflit selon les hypothèses, subordonnant ses principes à l'intérêt momentané.
En droit public, le juge administratif exerce un contrôle de légalité, qui intègre la Constitution de 1958, les traités et accords internationaux, les principes généraux du droit, les lois elles-mêmes, et les règlements. Le juge administratif - défini par l'arrêt D'Aillères - est le juge qui tranche des questions de droit administratif, ensemble des règles du droit public qui régissent l'administration quand elle met en œuvre des prérogatives de puissance publique. Ce contrôle de la légalité opéré par le juge administratif possède de nombreuses modalités, et diverses intensités. Il ne s'agit pas d'un contrôle automatique, car la conformité d'une norme à une autre ne se décrète pas, elle s'apprécie. C'est pourquoi la question a déjà été posée de savoir si le juge administratif ne serait pas un juge de l'opportunité.
Dès lors, alors que le contrôle d'opportunité serait une hérésie, le juge administratif ne peut-il pas moduler suffisamment son propre contrôle afin de le rendre plus efficient, par la prise ne considération de certains éléments d'opportunité ?
Ainsi, chercher à savoir si le juge administratif ne serait pas un juge de l'opportunité est une fausse interrogation, car ce contrôle est par principe prescrit (I). Cependant, il est possible que des considérations d'opportunité se glissent dans le contrôle de la légalité mené par le juge administratif dans la pratique (II).
[...] Ce refus s'explique par le fait que ces actes sont souvent purement politiques, ce qui n'est pas couvert pas les compétences attribuées au Conseil d'État. La pertinence d'un tel contrôle, tant pour les mesures d'ordre intérieur que pour les actes de gouvernement, ne serait donc pas avérée, en raison des considérations d'opportunité auxquelles le juge administratif a adhéré. Le juge administratif est également maître de l'étendue et de l'intensité de son contrôle. Il a en effet le choix, entre contrôle minimum, restreint ou normal. Ce choix se fera en fonction des circonstances extérieures et des intérêts en jeu au moment de l'appréciation. [...]
[...] Le refus théorique : la mission de jurisdictio du juge administratif La mission du juge doit ici s'entendre stricto sensu. La jurisdictio est l'obligation du juge de dire le droit, de l'appliquer aux faits. Ces faits étaient alors réputés illégaux avant leur commission, ce qui répond à une exigence de connaissance du droit. L'administration comme les administrés doivent être en mesure de prévoir les conséquences de leurs décisions et de leurs actes. Or, ne tenir compte que des circonstances extérieures, des intérêts momentanés pour fonder une décision de justice ne permettrait plus la prévisibilité des actes et des sanctions qui y sont attachés en fonction de leur illégalité. [...]
[...] Mais cet argument ne tient pas, car là encore, le juge administratif exerce un contrôle tout à fait logique. En effet, il se doit d'aller au bout de la mesure, pour vérifier que les atteintes portées aux droits des étrangers reconduits à la frontière ne sont pas excessives, et qu'elles relèvent bien des prérogatives confiées à l'administration en la matière. Ceci reste donc l'une des modalités du contrôle de droit commun qu'est le contrôle normal, sans aller jusqu'à l'opportunité. Toutefois, et selon le professeur Delvolvé, si il n'a jamais existé de contrôle d'opportunité à proprement parler, il y a toujours de l'opportunité dans le contrôle. [...]
[...] Ce qui varie dans ces contrôles, c'est la qualification juridique des faits, prise ou non compte. Dans le contrôle minimum, cette qualification ne fait pas partie des critères de contrôle du juge administratif, qui ne vérifie que les vices de la légalité externe - compétence, forme et procédure - et trois des vices de la légalité interne : l'erreur de droit, l'erreur de fait et le détournement de pouvoir. Ce contrôle est déjà très étendu, mais il a deux degré supérieur. [...]
[...] Il ne ferait alors que retarder le processus décisionnel. Les moyens de légalité externe, si ils sont invoqués contre une décision de compétence liée sont donc inopérants. Le juge se contentera alors de vérifier l'acte au regard de sa légalité interne. Mais celle-ci est aussi largement diminuée, car le juge administratif ne tient compte que de l'erreur de fait ou l'erreur dans la qualification juridique des faits. En outre, l'hypothèse précédemment envisagée, concernant le contrôle normal, peut aussi témoigner d'une certaine opportunité dans le contrôle. [...]
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