Réfléchir sur la genèse du droit administratif nécessite, en fait, que l'on s'interroge sur les raisons pour lesquelles l'administration française n'est pas soumise aux règles juridiques qui régissent habituellement les relations entre personnes de droit privé (droit civil, droit des affaires, droit du travail, etc.), mais à un droit spécifique, dérogatoire, au moins pour une partie
importante de ses activités : le droit administratif (...)
[...] Toutefois, cette situation ne signifiait pas que les sujets du roi étant complètement désarmés lorsqu'ils voulaient se plaindre des agissements de ses représentants. Une sorte de légalité monarchique est apparue, qui s'exprimait en particulier dans les lois fondamentales du royaume En effet, le roi recourt fréquemment, au XVIIème siècle, à l'évocation des affaires en son Conseil, lorsqu'elles concernent l'activité de ses services administratifs. Dès le XIVème siècle, existaient des conseillers et des maîtres des requêtes qui se réunissaient au sein du Grand Conseil du roi, pour examiner les plaintes des administrés et proposer des projets de décision à la signature du monarque (qui décidait seul de punir ceux qui agissaient en son nom). [...]
[...] Pour autant, il serait inexact d'affirmer que la jurisprudence administrative a pris ses traits définitifs avec la loi du 24 mai 1872. Certes, en donnant la possibilité au Conseil d'État d'exercer la justice administrative au nom du peuple souverain, cette loi a favorisé son émancipation de la tutelle gouvernementale. Mais la date du 24 mai 1872 constitue, d'abord, une rupture symbolique avec le Second Empire, et l'instauration d'une justice administrative déléguée ne suffit pas, en 1872, à effacer toutes les traces du système précédent, qui permettait à l'administration de se juger elle-même. [...]
[...] L'intérêt de l'arrêt Blanco est d'avoir consacré le service public comme critère, ou tout au moins comme point de passage obligé de la compétence du juge administratif mais, et c'est le plus important, sans exclure toute référence à la notion de puissance publique. Il s'agissait avant tout de faire le départ entre la gestion privée et la gestion publique dans les activités de l'administration. Mais il faudra encore attendre trente ans pour que la jurisprudence vienne confirmer le recours à la notion de service public comme critère concret d'appréciation des spécificités du droit administratif et de délimitation du champ de compétence du juge administratif. [...]
[...] Ces dispositions devaient favoriser la création d'une juridiction administrative au sein même de l'administration. II. L'instauration d'une juridiction administrative La priorité politique du Premier Consul Bonaparte fut de mettre un terme à la situation anarchique qui prévalait dans l'appareil administratif et qui paralysait le règlement des litiges opposant l'administration aux administrés. Ainsi, tout en renouant avec l'héritage monarchique, l'organisation qu'il mit en place créa les conditions d'une dissociation progressive entre les "corps administratifs" (la future administration "active") et les structures administratives à qui des compétences juridictionnelles ont été attribuées pour connaître des litiges administratifs. [...]
[...] À cet égard, il faut rappeler que l'application de l'Édit de Saint-Germain n'avait pas été très concluante. En effet, les magistrats n'avaient jamais entendu renoncer à leur plénitude de juridiction, et ils continuaient à examiner les actions engagées contre l'administration. Mais surtout, l'hostilité des révolutionnaires à l'égard des juges prenait sa source dans le souvenir des abus incessants de la pratique des Parlements -notamment le Parlement de Paris-, qui s'étaient comportés comme de véritables corps politiques. Personne n'avait oublié avec quelle virulence les Parlements s'étaient heurtés à l'autorité royale, en refusant d'enregistrer ses ordonnances et d'appliquer certains de ses édits. [...]
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