« Le propre de la souveraineté est de s'imposer à tous sans que l'on puisse réclamer d'elle aucune compensation » estime en 1887 Edouard Laferrière, alors vice-président du Conseil d'Etat. C'est de cette manière qu'il justifie le principe d'irresponsabilité de l'Etat. L'idée que l'Administration puisse commettre, comme tout citoyen, des dommages à autrui a connu une longue gestation. Aujourd'hui pourtant, le justiciable hésite peu à opposer ses intérêts devant le juge et ainsi engager la responsabilité de l'autorité publique responsable d'un dommage.
Concept d'origine religieuse, la responsabilité doit être juridiquement entendue comme l'obligation de rendre des comptes, de répondre des conséquences de ses actes. Elle est donc profondément imprégnée de considérations éthiques et morales. Promulguée par certains comme une valeur sociale à part entière, elle est dans le droit au coeur de nombreuses problématiques. La faute est-elle représentée comme « un manquement à une obligation préexistante » selon la formule du civiliste Marcel Planiol. Il ne faut pas voir dans cette notion une trop grande unité, tant les lois et la jurisprudence ont défini nombre de contours. L'enjeu de notre problème est d'identifier la nature de la relation qui unit ces deux concepts et de déterminer quels rôles jouent l'un dans la mise-en-oeuvre de l'autre.
La Révolution française de 1789 n'a eu que peu d'effets sur le vieil adage fondateur de l'irresponsabilité administrative « le Roi ne peut mal faire ». Tout au plus a-t-elle promulguée la loi du 28 Pluviôse An VIII engageant l'Administration pour les dommages de travaux publics. La nécessité d'une telle responsabilité n'était cependant pas entière, l'Etat n'exerçant à cette période que des fonctions essentiellement régaliennes. La consécration d'une responsabilité administrative est le résultat de l'arrêt Blanco du Tribunal des Conflits (8 février 1873). Il la distingue dans un premier temps des règles civiles énoncées dans le Code Civil, puis la caractérise comme non-générale et non-absolue. Malgré ces atténuations, l'avancée est bien réelle, l'Administration ne dispose plus de son irresponsabilité caractéristique. Plus tard, ce devoir de rendre des comptes imposé à l'autorité publique sera élargi à toutes les personnes publiques et tous les services (TC 1908 Feutry).
Face à cette évolution juridique remarquable, il convient de se demander quelle influence a joué et joue encore aujourd'hui la notion de faute dans l'engagement de la responsabilité administrative ? Concepts tous deux très moralistes, on ne peut qu'imaginer la prééminence de la faute dans la création d'un droit de la responsabilité de l'Administration (...)
[...] C'est de cette manière qu'il justifie le principe d'irresponsabilité de l'Etat. L'idée que l'Administration puisse commettre, comme tout citoyen, des dommages à autrui a connu une longue gestation. Aujourd'hui pourtant, le justiciable hésite peu à opposer ses intérêts devant le juge et ainsi engager la responsabilité de l'autorité publique responsable d'un dommage. Concept d'origine religieuse, la responsabilité doit être juridiquement entendue comme l'obligation de rendre des comptes, de répondre des conséquences de ses actes. Elle est donc profondément imprégnée de considérations éthiques et morales. [...]
[...] On assiste en effet au déclin de la faute et à l'émergence d'une responsabilité élargie. II. Le déclin de la faute ou l'émergence d'une responsabilité élargie La jurisprudence administrative a la qualité d'être en constante évolution, permettant au juge de rester en adéquation avec les nécessités sociales. Ainsi et dans la brèche de la jurisprudence de la Cour de cassation, le Conseil d'Etat tend à assurer une indemnisation aux victimes de l'activité administrative en remettant en cause l'exigence d'une faute lourde Cette dynamique vient accentuer le déclin de la faute, déjà amorcé par l'ouverture de nouveaux cas de responsabilité sans faute A. [...]
[...] Les intérêts de la victime sont notamment préservés par le fait que l'Administration ne peut que très rarement s'exonérer de cette responsabilité. Aussi la responsabilité sans faute est d'ordre public. En somme le juge peut la soulever d'office au cours d'un procès. Si l'idée que l'Administration puisse causer un dommage à autrui a mis du temps à émerger, l'étude du droit positif montre que cette responsabilité est pleinement acquise. La faute a eu un rôle entier dans cette évolution. L'exigence de degré à son égard connaît quelques faiblesses depuis les années 1960, mais elle reste malgré tout un critère majeur. [...]
[...] L'abandon de la faute lourde est intervenu en 2002 par l'arrêt Dame V. La jurisprudence montre que le juge reste protecteur du service public dans l'appréciation du comportement de l'agent. Aujourd'hui le principe de la faute simple a été repris par le législateur à l'article L1142-1 du Code la Santé Publique. B. L'ouverture de nouveaux cas de responsabilité Le mouvement jurisprudentiel précédemment étudié a été rendu possible notamment par l'intérêt porté par les juges à la responsabilité sans faute pour laquelle un lien de causalité seul est suffisant. [...]
[...] Face à cette évolution juridique remarquable, il convient de se demander quelle influence a joué et joue encore aujourd'hui la notion de faute dans l'engagement de la responsabilité administrative ? Concepts tous deux très moralistes, on ne peut qu'imaginer la prééminence de la faute dans la création d'un droit de la responsabilité de l'Administration. Cette idée est crédible, car la faute a bien été le fondement historique de ce nouveau courant en s'imposant comme son critère principal. Il est malgré tout à noter dans le droit positif un déclin de la faute et l'émergence d'une responsabilité administrative élargie (II). [...]
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