Comme a pu le souligner le professeur Lebreton, l'état d'urgence, dispositif d'exception produisant une extension des pouvoirs des autorités civiles, est « dangereux » et « désinvolte à l'égard des libertés ». Il autorise à mettre entre parenthèses des droits fondamentaux essentiels et, avec eux, les mécanismes les plus élémentaires de l'État de droit. De ce point de vue notamment, l'état d'urgence questionne et nécessite un strict encadrement (...)
[...] Drago affirme que l'état d'urgence est infiniment plus rigoureux que l'état de siège Il semble en effet que les effets de l'état d'urgence soit plus restrictifs des libertés. L'état d'urgence a été mis en œuvre à plusieurs reprises depuis 1955 : voté à l'origine pour faire face à l'insurrection algérienne, ce dispositif ne fut pas remis en cause par la Constitution de 1958. Il fut d'ailleurs mis en application en 1958, à la suite du putsch d'Alger, de manière très courte sur le territoire de la métropole. [...]
[...] Sans saisine, pas de contrôle de constitutionalité de la loi de prorogation, ce qui peut apparaître dangereux au regard de l'Etat de droit. Or, il ne l'a pas été pour la loi du 18 novembre 2005, aucun député ne l'ayant saisi. Et sitôt la loi de prorogation votée, les tribunaux administratifs ne peuvent plus se prononcer sur la régularité des décrets qui la précèdent. - L'article 15 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales énonce que toute Haute partie contractante qui exerce ce droit de dérogation (aux obligations de la Convention, hormis les droits dits indérogeables) tient le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe pleinement informé des mesures prises et des motifs qui les ont inspirées De la même manière, l'article du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que l'institution de l'état d'urgence suppose que le Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies soit tenu informé des motifs et de l'étendue des dérogations. [...]
[...] - La déclaration de l'état d'urgence est, depuis 1960, une prérogative du pouvoir exécutif. L'article 2 de la loi de 1955 prévoit en effet que l'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres La réaction, qui se doit par définition d'être prompte, appartient au pouvoir exécutif, mais celui-ci sera très vite relayé par le législateur si les conditions semblent exiger une prorogation du régime d'exception. - Le législateur exprime, selon la conception rousseauiste, la volonté générale du peuple à travers le vote de la loi. [...]
[...] Ainsi donc, l'Etat, dépositaire du maintien de l'ordre public, doit pouvoir combattre les crises qui le menacent, car elles s'opposent à sa raison d'être. Toutefois, le maintien de l'ordre ne saurait se faire au détriment des droits et libertés. Car si la liberté ne va pas sans l'ordre ( l'ordre ne vaut rien sans la liberté (in Propos sur les pouvoirs, Alain). La référence à l'état de nécessité qui fonde le dispositif de la loi de 1955, en période exceptionnelle, est certes incontournable. [...]
[...] Mais cela peut s'avérer dangereux : l'instrumentalisation des faits par le pouvoir peut être arbitraire et/ou être une solution de facilité pour les gouvernants. Elle peut porter une atteinte excessive à des droits, et cette régression du droit (G. Braibant), voire, pour Dominique Rousseau, cette mise en suspension de l'Etat de droit s'opère dans des moments qui, précisément, nécessitent une limitation des pouvoirs des gouvernants. C'est en effet paradoxal, mais la crise renforce l'Etat en même temps qu'elle le perturbe. [...]
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