Avec cette décision, le Conseil d'Etat fait franchir un pas décisif à sa jurisprudence dans le domaine des publications étrangères. Ce pouvoir est, en effet, un pouvoir discrétionnaire de l'Administration. Longtemps réfractaire à touts contrôle, il fallu attendre 1973 pour que le juge administratif décide d'y appliquer le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. L'arrêt Association Ekin est l'occasion pour le Conseil d'Etat d'approfondir son contrôle. En effet, le juge administratif décide de préciser les conditions d'utilisation de ce pouvoir. Ce faisant, il fait glisser son contrôle vers le contrôle normal de la qualification juridique des faits. Récemment, le Conseil d'Etat a poursuivi l'évolution de sa jurisprudence en invalidant les textes relatifs à la police des publications étrangères.
[...] Cette interdiction peut également être prononcée à l'encontre des journaux et écrits de provenance étrangère rédigés en langue française, imprimés à l'étranger ou en France" ; qu'à défaut de toute disposition législative définissant les conditions auxquelles est soumise la légalité des décisions d'interdiction prises sur le fondement de cet article, les restrictions apportées au pouvoir du ministre résultent de la nécessité de concilier les intérêts généraux dont il a la charge avec le respect dû aux libertés publiques, et notamment à la liberté de la presse ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une telle mesure d'interdiction, de rechercher si la publication interdite est de nature à causer à ces intérêts un dommage justifiant l'atteinte portée aux libertés publiques ; que le pouvoir ainsi exercé, sous le contrôle du juge, par le ministre de l'intérieur n'est pas, contrairement à ce que soutient l'association requérante, incompatible avec les stipulations combinées des articles 10 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Considérant que, par l'arrêté attaqué, le ministre de l'intérieur a interdit la circulation, la distribution et la mise en vente de l'ouvrage collectif "Euskadi en guerre", qui doit être regardé comme un écrit de provenance étrangère au sens de l'article 14 précité de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'il ne ressort pas de l'examen du contenu de cette publication qu'elle présente, au regard des intérêts dont le ministre a la charge, et notamment de la sécurité publique et de l'ordre public, un caractère de nature à justifier légalement la gravité de l'atteinte à la liberté de la presse constituée par la mesure litigieuse ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association EKIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 avril 1988, pris sur le fondement de l'article 14 précité de la loi du 29 juillet 1881, par lequel le ministre de l'intérieur a interdit la circulation, la distribution et la mise en vente en France de l'ouvrage intitulé "Euskadi en guerre", édité par cette association ; DECIDE : Article 1er : Le jugement du 1er juin 1993 du tribunal administratif de Pau, ensemble l'arrêté, en date du 28 avril 1988, du ministre de l'intérieur, sont annulés. Commentaire Lorsqu'elle agit, l'Administration se doit de respecter certaines règles. L'ensemble de ces dernières est appelé les cas d'ouverture du recours pour excès de pouvoir. Ceux-ci se répartissent en deux catégories : les illégalités externes et les illégalités internes. Dans cette dernière catégorie, figurent notamment le contrôle de la qualification juridique des fait. Ce dernier varie selon la nature du pouvoir dont dispose l'Administration. [...]
[...] Il peut, cependant, arriver que les domaines respectifs de chacun de contrôles évoluent comme c'est le cas pour la police des publications étrangères. II Les contrôles opérés en matière de police des publications étrangères Ce domaine a d'abord fait l'objet d'un contrôle limité à l'erreur manifeste d'appréciation puis le juge a fait évoluer son contrôle en passant au contrôle de la qualification juridique des faits A Le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation Il importe, au préalable de la définir puis d'analyser son introduction dans le domaine de la police des publications étrangères La notion d'erreur manifeste d'appréciation Il s'agit pour le juge administratif d'apprécier les faits à la base de la décision. [...]
[...] Au juge, ensuite, de contrôler si l'Administration n'a pas commise d'erreur dans cette opération, c'est-à-dire n'a pas mal qualifié les faits. Ici, le contrôle de la qualification juridique des faits est donc possible parce que le droit détermine à l'avance une catégorie juridique. La comparaison est possible. En revanche, face au pouvoir discrétionnaire, le juge administratif ne peut pas opérer le contrôle de la qualification juridique des faits. En effet, ici le droit ne détermine aucune catégorie ou conditions pour l'exercice du pouvoir de l'Administration. [...]
[...] Le juge administratif impose par là un minimum de logique et de bon sens à l'Administration. Cette technique a l'avantage de préserver le pouvoir discrétionnaire dans la mesure où une simple erreur ne suffit pas, et de garantir les droits des individus, puisque l'Administration sera sanctionnée si elle commet une erreur grossière. Apparue dans les années soixante avec des arrêts anodins comme l'arrêt Lagrange en matière d'équivalence d'emplois publics sect., 15/02/1961), ou encore l'arrêt Ministre de l'agriculture contre consorts Bruand 19/04/1961), il faut attendre 1973 pour qu'elle soit introduite dans le domaine des publications étangères L'introduction dans le domaine des publications étrangères Le domaine de l'EMA est évolutif. [...]
[...] Celui-ci a rejeté le 28 avril 1988 cette requêté. Un appel a donc été intenté devant le Conseil d'Etat qui le 9 juillet 1997, en assemblée, donné raison à l'association. Avec cette décision, le Conseil d'Etat fait franchir un pas décisif à sa jurisprudence dans le domaine des publications étrangères. Ce pouvoir est, en effet, un pouvoir discrétionnaire de l'Administration. Longtemps réfractaire à touts contrôle, il fallu attendre 1973 pour que le juge administratif décide d'y appliquer le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation. [...]
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