En 1958, René Chapus intitule l'un de ses articles paru au Dalloz : « l'acte de gouvernement : monstre ou victime ? ».
Monsieur René Georges A. saisit le juge des référés du Conseil d'Etat et lui demande d'une part, d'enjoindre au Président de la République de demander au Premier Ministre de démissionner ainsi que de dissoudre l'Assemblée nationale, et d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il expose que la France connait une grave crise institutionnelle en raison de la mise en cause des plus hautes autorités de l'Etat dans l'affaire « Clearstream ». D'après lui, il s'ensuit un discrédit sur le gouvernement, mais encore de l'ensemble des institutions de la cinquième République. De plus, il soutient que le droit garanti par la Constitution à un « Etat démocratique » est méconnu. Il affirme être en droit de saisir le juge des référés, la condition d'urgence étant remplie dans la mesure où un doute sérieux pèse sur l'intégrité et l'honneur du Premier ministre. Enfin, il ajoute que la théorie de l'acte de gouvernement doit être rejetée en raison de l'immunité juridictionnelle qu'elle confère à certains actes, et qu'elle méconnait ainsi le droit fondamental de tout citoyen d'un accès à une juridiction indépendante et impartiale.
Clearstream est une chambre de compensation internationale luxembourgeoise chargée de faciliter les transactions financières tout en assurant leur traçabilité. Il y eut un premier scandale financier entre 2001 et 2003 qui suspectait une utilisation du système de comptes non publiés de la chambre dans le but de blanchir de l'argent. Une deuxième affaire éclata en 2004. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, demanda au général Philippe Rondot d'enquêter sur l'affaire des frégates de Taiwan. Le juge Van Ruymbeke, qui enquêtait sur cette même affaire, reçut deux lettres et un cédérom d'un corbeau dénonçant des personnalités qui auraient touché des commissions dans l'affaire des frégates sur des comptes secret chez Clearstream. En 2006, Dominique de Villepin, alors Premier ministre, est mis en cause. Parmi les personnalités de la liste, figure notamment Nicolas Sarkozy. Or, le document se révélera truqué. Il était en réalité destiné à manipuler la Justice, et fut perçu par l'actuel Président de la République comme une tentative de déstabilisation quelques mois avant l'élection présidentielle. Celui-ci se porta partie civile et le resta après son élection, rompant avec la tradition consistant pour un Président de la République à ne pas s'impliquer dans la Justice. En janvier 2010, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin fut relaxé du chef de complicité de dénonciation calomnieuse par le Tribunal correctionnel de Paris considérant qu'il n'avait pas connaissance dès 2004 de la fausseté du listing.
Il convient de se demander dans quelle mesure le juge des référés du conseil d'Etat est compétent pour connaitre d'une demande tendant à enjoindre au Président de la République de demander la démission du Premier ministre et de dissoudre l'Assemblée nationale.
Le Conseil d'Etat considère que « les conclusions par lesquelles M. A demande que le juge des référés du Conseil d'Etat enjoigne au Président de la République d'une part, de demander au Premier ministre de démissionner et, d'autre part, de dissoudre l'Assemblée nationale, échappent manifestement à la compétence de la juridiction administrative, qu'elles doivent par suite être rejetées ».
Il conviendra d'envisager successivement l'affirmation de la compétence discrétionnaire du Président de la République par le juge des référés (I), puis le constat de l'incompétence de la juridiction administrative pour contrôler un « acte de gouvernement » (II). (...)
[...] De même, la décision de nomination d'un membre du Conseil Constitutionnel est un acte de gouvernement. Encore, le CE dans l'arrêt Tallagrand de 1968 considère que la décision du Premier ministre de déposer ou de refuser de déposer un projet de loi en est un, ainsi que le décret soumettant un projet de loi à référendum selon l'arrêt Brocas de 1962. S'agissant des actes qui concernent la conduite des relations diplomatiques de la France, figure les actes relatifs à la négociation, la conclusion, et l'exécution des accords internationaux. [...]
[...] C'est le cas notamment des actes qui se rattachent aux missions du Parlement. Par exemple, le CE a jugé dans l'arrêt Fédération chrétienne de témoins de Jéhovah de France de 2010 que l'acte par lequel le président de l'assemblée nationale rend public une commission d'enquête échappe au contrôle du juge administratif car il est indissociable des fonctions de contrôle du Parlement. C'est aussi le cas des actes gouvernement. Ceux-ci se définissent comme des actes accomplis par les autorités administratives susceptibles d'aucun recours devant les juridictions, tant administratives que judiciaires. [...]
[...] Il s'agirait de l'acte qui est la conséquence directe, nécessaire, et inéluctable d'un acte international. Par exemple, le CE dans un arrêt société Héli-Union s'était déclaré incompétent pour contrôler un décret qui suspendait les relations aériennes entre la France et la Libye. Ce décret était la conséquence d'une résolution de l'ONU. Néanmoins, il s'agit plutôt d'une qualification d'opportunité en considération du caractère politiquement prononcé et important de l'acte. De manière générale, les actes de gouvernement sont une limite au principe de légalité. En effet, ils ne peuvent être soumis à aucun contrôle juridictionnel. [...]
[...] Le Conseil d'Etat considère que les conclusions par lesquelles M. A demande que le juge des référés du Conseil d'Etat enjoigne au Président de la République d'une part, de demander au Premier ministre de démissionner et, d'autre part, de dissoudre l'Assemblée nationale, échappent manifestement à la compétence de la juridiction administrative, qu'elles doivent par suite être rejetées Il conviendra d'envisager successivement l'affirmation de la compétence discrétionnaire du Président de la République par le juge des référés puis le constat de l'incompétence de la juridiction administrative pour contrôler un acte de gouvernement (II). [...]
[...] Le constat d'un pouvoir constitutionnel discrétionnaire du Président de la République Le juge des référés stipule que décision qu'il prend à cet égard n'est subordonnée à d'autres conditions que le respect» des dispositions constitutionnelles. Le juges des référés prend le soin d'édicter un certain nombre de dispositions constitutionnelles. De cette manière, il cherche à fonder, au moyen de la Constitution, sa conclusion qui consiste à dire que seules les dispositions constitutionnelles limitent les pouvoirs constitutionnels du Président de la République. En d'autres termes, le Président de la République dispose d'une compétence discrétionnaire quant aux décisions de dissoudre l'Assemblée nationale et de demander au Premier ministre de démissionner. [...]
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