À l'heure où notre droit, dont la particularité faisait rayonner hier le pays, voit chacun de ses pans passer sous les fourches caudines de l'Union Européenne et de sa Cour régulatrice, théoriciens et praticiens s'inquiètent de ce qu'il devient, et se voient contraints de s'y adapter, avec retard souvent, avec soupirs toujours. Assurément, le droit de la fonction publique en est une illustration bienvenue, tant on craint qu'il se banalise.
Terme moderne s'il en est, la banalisation [...] est devenue une angoisse des juristes français vis-à-vis de leur droit en matière de fonction publique. Pourtant, il ne semblait guère porté à subir les vicissitudes du droit de l'Union. Celui-ci, initialement, excluait en effet dès le Traité de Rome ses dispositions relatives à la liberté de circulation aux « emplois dans l'administration publique » (art. 39 du Traité CE ). Mais les impératifs communautaires ne pouvaient s'en contenter [...]. Ainsi la Cour de Justice parvint quelques temps plus tard à intégrer une grande partie de nos fonctionnaires dans les mailles européennes. Surprenante, déconcertante, cette jurisprudence n'était que le signal du vaste mouvement de régulation communautaire des droits de la fonction publique (nous reviendrons en détails sur les causes de cette irruption) des États-membres. La France, attachée à ses traditions, peine encore à s'adapter à ces nouvelles exigences.
Il s'agira, au cours de cette étude, de se demander ce qu'il en est du sort de notre droit de la fonction publique vis-à-vis des impératifs du droit de l'Union : quel est l'impact de ce dernier ? Faut-il y voir en effet une véritable banalisation, si ce n'est une normalisation ? Ou, au contraire, une telle assertion s'avère-t-elle hâtive, et à relativiser ? (...)
[...] Il n'empêche qu'une évidente ‘‘standardisation'' du droit de la fonction publique est constatable bien que celle-ci soit à relativiser du fait de sa ténacité 2). 1. Une indéniable adéquation du droit français de la fonction publique. La standardisation de notre droit de la fonction publique, sollicitée par le droit communautaire implique aussi une adéquation à sa philosophie (B.). A. L'exigence de corrections législatives abondantes. Imprévue, l'exigence européenne de modifications du droit de la fonction publique engendre de véritables bouleversements légaux (2.). [...]
[...] Ainsi, exemple parmi bien d'autres, alors que l'arrêt Commission Belgique a été rendu en 1980 et que la Commission en a tiré les conséquences en 1988, ça n'est qu'en 1991 que la France voit son régime réformé, en 2005 amélioré, en 2009 finalisé, en 2010 appliqué (cf. Décret du 22 mars 2010). b. L'opiniâtreté des praticiens à l'égard des exigences de l'Union. Cette résistance praticienne est célèbre, particulièrement en matière de fonction publique et plus précisément encore quant à son ouverture aux fonctionnaires étrangers, notamment grâce à la retentissante affaire Burbaud. [...]
[...] Les conséquences de ces réformes furent parfois incohérentes. Ainsi, par exemple, en a-t-il été du régime du détachement des fonctionnaires de l'Union, ainsi que de celui de leur intégration définitive, qui a généré une véritable discrimination à rebours. On sait que le détachement conduit à placer un fonctionnaire hors de son corps d'origine mais en le laissant bénéficier dans ce corps des droits à l'avancement et à la retraite, et qu'il ne concerne normalement que les fonctionnaires titulaires. Or, le décret du 22 mars 2010, pris en application de la Loi Mobilité, ouvre ce détachement aux agents ressortissants de l'Union Européenne, qui doivent justifier d'être fonctionnaires ou occuper ou avoir occupé un emploi dans une administration, un organisme ou un établissement de leur État-membre d'origine dont les missions sont comparables à celles des administrations des CT et des EP dans lesquels les fonctionnaires mentionnés exercent leurs fonctions Il n'est ici nulle exigence de titularisation ce qui, en soi, est logique, toutes les fonctions publiques européennes n'étant pas identiques à la nôtre. [...]
[...] On sait l'attachement que voue notre droit au service public, en faisant une spécialité nationale. Le service public à la française se caractérise ainsi, comme l'a fort bien synthétisé M. Matthias Fekl, par une triple identité : une mission de service public, assurée par une personne morale de droit public employant des agents soumis au droit public Ainsi, selon l'un de ses inspirateurs majeurs qu'est Léon Duguit, ce qui fait le fonctionnaire c'est sa participation permanente et normale au fonctionnement du service public Passant les tergiversations juridiques auxquelles cela a donné lieu, il en résulte que, au-delà du signe de reconnaissance des agents publics titulaires, il en est même devenu un critère quant aux non-titulaires, s'ils sont affectés, au sein d'une personne publique, à un service public administratif (CE 26 juin 1996, Commune de Céreste). [...]
[...] Le droit de la fonction publique tient à préserver ses particularismes nationaux et, au final, répond à des courants théoriques qui lui sont déjà familiers, au moins dans la doctrine (b.). a. La préservation des particularismes nationaux. Voilà la syncrétisation. L'effort majeur des réformes de et 2009 réside dans les tentatives d'équilibrage entre le régime national et les exigences communautaires. Nous avons vu, par exemple, que, bien que toutes les fonctions publiques des États-membres ne connaissant pas forcément la titularisation ou encore la division en trois fonctions publiques, le détachement reste réservé aux fonctionnaires titulaires, et l'intégration aux contractuels. [...]
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