Dissertation de droit sur la désobéissance du fonctionnaire, à la croisée du droit et du devoir. Le droit de désobéir est l'expression d'une mutation profonde du rôle du fonctionnaire dans l'administration : celui-ci n'est plus seulement envisagé comme un simple maillon d'une chaîne d'irresponsabilités mais comme un individu libre et responsable dont on sollicite la conscience personnelle, garantie supplémentaire à la sauvegarde de l'intérêt public et, au-delà, de la démocratie. La liberté de désobéissance reconnue à l'agent s'illustre ainsi par une autonomie consacrée face à l'autorité hiérarchique, mais aussi par une obligation de désobéissance, au caractère contraignant et limité.
[...] La Cour d'Appel requalifie cela en faute personnelle accomplie à l'occasion du service. D'ailleurs, le Code pénal définit aussi un devoir de désobéissance, avec un critère unique et donc plus facile à soulever : N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal - selon l'article 122-4. On peut ainsi affirmer qu'aujourd'hui le fonctionnaire se retrouve au final seul pour apprécier l'ordre de son supérieur et ses conséquences : c'est pourquoi certains auteurs évoquent cette civilisation de la responsabilité personnelle Les difficultés pratiques de l'exercice de la désobéissance. [...]
[...] II Un devoir de désobéissance limité qui renvoie le fonctionnaire à sa seule conscience personnelle. Autant qu'un droit, la désobéissance est devenue une impérieuse obligation, consacrée notamment par la jurisprudence Papon du Conseil d'Etat en 2002. Mais les possibilité de mise en œuvre de cette désobéissance en un sens ne sont pas à la hauteur de l'exigence morale personnelle de courage qu'on exige du fonctionnaire : elles demeurent limitées, contraignantes et sans doute même dissuasives. Vers une civilisation de la responsabilité personnelle. [...]
[...] LE DROIT DE DESOBEISSANCE DU FONCTIONNAIRE Le droit de désobéissance du fonctionnaire découle naturellement du strict principe d'obéissance hiérarchique auquel il est soumis au sein de l'administration. Cette obligation inclut pour les agents publics le devoir de se conformer aux instructions émanant de leurs supérieurs, ainsi qu'aux mesures régissant l'organisation des services. Bien sûr, la fonction publique et ses membres sont soumis à la légalité. Cependant, la jurisprudence et le Législateur ont œuvré en faveur de la reconnaissance - sous des critères bien précis - d'un droit de désobéissance face à l'éventuelle injonction d'exécution d'ordres illégaux. [...]
[...] Tout d'abord, on l'a dit, la loi pas plus que la jurisprudence ne fixent de définition précise à la notion d'ordre manifestement illégal et de nature à compromettre l'intérêt public, tel que présent dans la loi du 13 juillet 1983. De plus, les possibilités de recours proprement dites se trouvent fortement limitées. La structure hiérarchique de l'administration s'oppose même à la contestation des ordres devant le juge administratif. Il existe en effet un principe d'irrecevabilité des recours exercés par les agents, leur syndicat ou une association - exception faite des mesures portant atteinte aux droits statutaires et aux prérogatives des agents ou de leur corps. [...]
[...] Tout ceci paraît bien ne pas manifester un grand sens des réalités, dans la mesure où l'agent se trouve pris entre deux feux : d'un côté personnellement obligé de désobéir s'il l'estime légitime, mais d'autre part aussitôt sanctionné au nom de la simple obligation d'obéissance si l'on estime ses motivations un tant soit peu infondées voire inopportunes. Le droit de désobéissance révèle donc un fort hiatus il met en avant une véritable exigence de liberté et de responsabilité, mais sans guère de garanties en contrepartie, ni de cadre qui permette son exercice raisonné. [...]
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