Le critère du service public évoque le nom de Léon Duguit (1859-1928). Sa doctrine dite du service public et qui, brièvement parlant, consiste à justifier l'existence d'un droit administratif par la poursuite de certains besoins sociaux, s'appuie sur des fondements théoriques élaborés sur lesquels on ne peut revenir ici (l'idée que les normes juridiques sont des faits sociaux). Retenons que pour Duguit, les normes juridiques ne sont que l'expression de l'interdépendance, de la solidarité entre les individus. Et il en déduit que le droit doit se conformer et conforter cette solidarité.
Si l'intention est belle, le procédé est fallacieux car de ce que les hommes sont naturellement solidaires des autres, on ne peut inférer qu'ils doivent l'être.
Quoi qu'il soit, Duguit conclut que l'existence du droit administratif n'est légitime qu'à la condition de satisfaire des besoins sociaux. Ce qui signifie, pour lui, que certaines missions doivent relever de l'État non pas en vertu de règles naturelles mais d'une certaine conception de l'État (ainsi, parce qu'elles excèdent les facultés des particuliers par exemple) qui est elle-même l'expression d'un jugement de valeur (auquel on est libre d'adhérer ou non).
Ces missions constituent le « service public » ainsi défini : « toute activité dont l'accomplissement doit être réglé, assuré et contrôlé par les gouvernants, parce qu'il est indispensable à la réalisation et au développement de l'interdépendance sociale et qu'il est de telle nature qu'il
ne peut être assuré complètement que par l'intervention de la force gouvernante ». De là, la proposition d'un critère de la compétence du juge administratif : pour lui, dès lors que la mise en cause de l'administration procède du fonctionnement ou dysfonctionnement d'un service public, le juge administratif est compétent. Sinon, la compétence est celle du juge judiciaire.
[...] Ainsi, peu à peu, le critère de la compétence cesse d'être fonctionnel pour devenir de plus en plus organique et formel. Ici, les conclusions rendues par Jean Romieu sont importantes : il y pose un principe que l'on retrouve dans la décision du Conseil d'État : Tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement des services publics proprement dits, généraux ou locaux, soit que l'Administration agisse par voie de contrat, soit qu'elle procède par voie d'autorité, constitue une opération administrative, qui est, par sa nature, du domaine de la juridiction administrative, au point de vue des litiges de toute sorte auxquels elle peut donner lieu et plus loin : Toutes les actions entre les personnes publiques et les tiers ou entre ces personnes publiques elles-mêmes, et fondées sur l'exécution, l'inexécution ou la mauvaise exécution d'un service public, sont de la compétence administrative et relèvent, à défaut d'un texte spécial, du Conseil d'État juge de droit commun du contentieux de l'administration publique, générale ou locale L'expression service public s'entend donc au sens organique, au sens de Administration : remarquons au passage la synonymie entre les deux expressions. [...]
[...] La logique suivie par Jean Romieu dans ses conclusions sur l'arrêt Terrier (v. GAJA et supra) n'est donc pas très différente de celle de David dans Blanco : il met en avant le critère organique, le critère de la nature de l'organe. Or, si la personne est une personne publique, le juge compétent est le juge administratif. Les services publics dont il est ici question ne se définissent pas de manière fonctionnelle (ce qui est fait) mais de manière organique (qui le fait). Mais la confusion s'est installée. B. [...]
[...] La clarté À l'origine, tout était clair : à toute personne publique s'appliquait un régime de droit public sauf exception L'arrêt Blanco (Tribunal des Conflits février 1873) et le raisonnement du commissaire David Les faits sont les suivants : Melle Agnès Blanco est renversée par un wagonnet de la manufacture des tabacs et mortellement blessée. Le père d'Agnès veut obtenir réparation du préjudice. Il saisit les tribunaux judiciaires d'une action en dommages- intérêts contre État. Quant au problème de droit, on peut le poser ainsi : en l'espèce, la manufacture est exploitée en régie (gérée directement) par l'État. Engager la responsabilité des agents de la manufacture revient à engager la responsabilité de l'État. [...]
[...] sont des décisions aussi politiques que celles du juge administratif. Cette critique est donc fondée, mais elle est un peu courte : elle pèche par naïveté en croyant que le droit est un ordre normatif neutre alors qu'il n'est qu'une manière d'organiser des rapports de forces par essence politiques Contestation pratique C'est la critique bien connue de la dualité de juridiction : la juridiction administrative serait un facteur de trouble pour les justiciables, une perte de temps parfois, une lourdeur supplémentaire, voire une source d'iniquité puisque dans certains cas, le même dommage est indemnisé plus généreusement par le juge judiciaire que par le juge administratif. [...]
[...] Mais ce n'est là une consécration que de l'indépendance de la juridiction et de ses fonctions. Une telle disposition interdit certes au législateur de faire disparaître le Conseil d'État par la loi, mais elle ne montre les limites qui s'imposent à lui. B. Conseil constitutionnel janvier 1987, Conseil de la concurrence Cette décision constitutionnalise une certaine partie de la compétence actuelle du juge administratif, mais une partie seulement. En outre, pour ce faire, le Conseil constitutionnel a recours à un argument dont on a vu combien il était historiquement et logiquement erroné. [...]
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