Le contrat administratif est un contrat synallagmatique, avec comme en droit privé, un jeu réciproque de droits et d'obligations.
Mais comme le contrat participe à la mission d'intérêt général dont l'Administration a la charge, cela conduit à une certaine inégalité dans les rapports contractuels. Ainsi, l'Administration dispose de prérogatives destinées à garantir l'adaptation et la continuité du service public. Cependant, ces prérogatives ne sont pas illimitées, des droits d'ordre pécuniaire sont reconnus au profit du cocontractant de l'Administration.
(...) Faits : Après la guerre, l'Etat a mis en place un système juridique lui permettant d'acquérir de l'alcool industriel qu'il rétrocédait ensuite aux entreprises intéressées. Ainsi, l'Etat achetait par contrat une partie de la production d'alcool des agriculteurs qu'il revendait ensuite aux industriels. Seulement, les contrats passés avec les agriculteurs leur étaient très profitables, ce qui les incita à développer leurs cultures de betteraves. Et finalement, l'Etat fut très rapidement en possession de quantités considérables d'alcool dont il n'avait pas l'emploi et qui étaient acquises à des conditions très onéreuses. C'est pourquoi il décida de mettre fin à ce processus en édictant un décret loi de 1953 résiliant tous les contrats d'exécution en cours.
Question de droit : l'Administration pouvait-elle légalement résilier toute une catégorie de contrats pour des motifs tirés de l'intérêt général ?
Solution : Le CE répondit par l'affirmative.
L'arrêt de la Distillerie de Magnac-Laval a précisé 3 aspects du régime de la résiliation :
- La résiliation doit nécessairement reposer sur un motif d'intérêt général (exemple de résiliation illégale, car non fondée sur des motifs d'intérêt général : CE 1986 Sté TV6 : résiliation anticipée du fait des conséquences qu'aurait pu avoir un projet de réforme audiovisuelle).
- Le cocontractant n'a pas à subir les conséquences financières de la résiliation anticipée. Il a donc droit à une indemnisation intégrale des pertes subies, y compris le manque à gagner correspondant au profit qu'il aurait fait si le contrat avait été mené à son terme.
En outre, si la résiliation n'est pas justifiée, le cocontractant doit recevoir des dommages et intérêts spécifiques correspondant au préjudice subi, en plus de l'indemnisation précédente.
- La résiliation peut concerner toute une catégorie de contrats. Cette précision est importante, car le commissaire du gouvernement pensait que le décret était illégal, parce que selon lui, seul le législateur pouvait résilier une catégorie de contrats. Au mieux, l'Administration pouvait résilier chaque contrat au cas par cas. Mais, ce raisonnement n'a pas été suivi par le Conseil d'Etat (...)
[...] Les droits et obligations du cocontractant de l'Administration Les obligations du cocontractant - En principe, le cocontractant est tenu de s'acquitter scrupuleusement de ses obligations sous peine d'être sanctionné par l'Administration et d'engager sa responsabilité. - Seules deux exceptions à ce principe sont admises : en cas de force majeure ou en cas de fait de l'Administration empêchant le cocontractant d'exécuter son contrat. - En vertu de ce principe, le cocontractant ne peut donc pas suspendre l'exécution du contrat, même en vue de riposter à un comportement fautif de l'Administration. Ainsi, en droit administratif à la différence du droit civil, il est impossible au cocontractant d'opposer l'exception d'inexécution. [...]
[...] Dans cette hypothèse, l'administration va se substituer à son cocontractant pour exécuter elle-même le contrat ou en confiant l'exécution même du contrat à une autre entreprise aux frais du cocontractant défaillant. Remarque terminologique : selon le contrat, le même terme ne sera pas employé - pour les marchés de fournitures, on parlera d'exécution par défaut - pour les travaux publics, on parlera de mise en régie - pour les concessions de service public, on parlera de mise sous séquestre La résiliation-sanction : L'administration peut résilier unilatéralement le contrat pour faute grave du cocontractant après mise en demeure. [...]
[...] La théorie de l'imprévision impose donc à l'Administration d'aider financièrement son cocontractant à exécuter le contrat, quand un événement imprévisible et étranger à la volonté des parties a provoqué le bouleversement de l'économie du contrat. Cette théorie est applicable à tous les types de contrats, dès lors que 4 conditions sont remplies : Les circonstances perturbatrices du contrat doivent être extérieures aux parties. Exemples : - dans l'arrêt de la Cie d'éclairage de Bordeaux : hausse spectaculaire du prix du charbon - catastrophes naturelles : inondations, sécheresse, séismes - circonstances économiques ou politiques : choc pétrolier, guerre - mesures prises par les pouvoirs publics : Exemple ( CE 1949 Ville de Toulon : Une Cie d'éclairage a vu ses résultats d'exploitation diminuer considérablement pendant la guerre suite à l'ordre des autorités militaires de ne plus éclairer la ville toute la nuit. [...]
[...] En d'autres termes, les contrats administratifs doivent pouvoir être adaptés en permanence aux exigences de l'intérêt général. Ainsi, on admet que l'Administration puisse modifier, accroître ou réduire les obligations de son cocontractant de manière unilatérale. Ce droit a été reconnu pour la première fois par l'arrêt CE 1902 Cie nouvelle du gaz de Deville les Rouen et précisé par la suite par l'arrêt CE 1910 Cie générale des Tramways. CE 1902 Cie nouvelle du gaz de Deville lès Rouen Faits : La commune de Deville lès Rouen avait concédé en 1874 le privilège exclusif de l'éclairage à une compagnie du gaz. [...]
[...] Dans cette hypothèse, il apparaît clairement que le préjudice de la société ne résulte pas d'une mesure édictée par la commune en tant que partie au contrat, mais par le maire en tant qu'autorité de police. Rappel : Si une personne publique étrangère au contrat édicte une mesure qui bouleverse l'économie du contrat, il n'est pas fait dans cette hypothèse application de la théorie du fait du prince, mais de celle de l'imprévision. Exemple ( CE 1949 Ville de Toulon. [...]
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