Dans Le Monde du 14 mai 1997, un article relatif à l'arrêt rendu le 12 mai 1997 par le Tribunal des conflits sous la présidence du Garde des Sceaux Jacques Toubon, était intitulé "Le Tribunal des conflits arbitre en défaveur des droits des étrangers face à l'administration". L'article concluait : "Une nouvelle porte se referme au nez des défenseurs des droits des étrangers. Avec la bénédiction du garde des sceaux". La décision du Tribunal des conflits a été en effet fortement critiquée à l'époque.
Il s'agit en l'occurrence d'un navire à destination de l'Allemagne qui fait une escale dans un port français alors qu'il transporte notamment deux personnes de nationalité marocaine. Ceux-ci se voient refuser par l'autorité administrative l'entrée sur le territoire, ainsi qu'un maintien forcée à bord du navire.
Les deux personnes, ainsi que l'entreprise exploitant le navire, contestent la décision de consignation à bord du bateau devant le juge des référés du Tribunal de Grande instance de Paris et demandent à être débarqués dans la zone d'attente. Le préfet oppose un déclinatoire de compétence, mais le Tribunal civil, constatant une voie de fait de la part de l'administration, rejette ce déclinatoire. Le préfet va alors prendre un arrêté de conflit.
Le Tribunal doit alors déterminer si la décision de l'administration contestée constitue bien une voie de fait, auquel cas le Tribunal judiciaire est compétent. Il va également se demander si certaines dispositions du Code pénal ne donnent pas compétence au juge judiciaire en l'espèce, même sans que la voie de fait soit constitué (...)
[...] Ceux-ci se voient refuser par l'autorité administrative l'entrée sur le territoire, ainsi qu'un maintien forcée à bord du navire. Les deux personnes, ainsi que l'entreprise exploitant le navire, contestent la décision de consignation à bord du bateau devant le juge des référés du Tribunal de Grande instance de Paris et demandent à être débarqués dans la zone d'attente. Le préfet oppose un déclinatoire de compétence, mais le Tribunal civil, constatant une voie de fait de la part de l'administration, rejette ce déclinatoire. [...]
[...] Il résulte de cet élément et de la définition retenue de la voie de fait, que l'administration, ayant agit dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par l'ordonnance de 1945, n'a pas pu matériellement faire une voie de fait, sa décision fut-elle illégale. Cet arrêt participe encore de la mutation de la jurisprudence Action française du Tribunal des Conflits de 1935, selon laquelle une voie de fait était seulement définit comme une mesure de police disproportionnée. Cet arrêt met donc en exergue une grosse lacune du Juge administratif, qui sera résolue en 2000 avec notamment l'institution du référé-liberté qui aurait permis ici au Juge administratif de statuer dans l'urgence. [...]
[...] Une atteinte grave à la liberté individuelle des deux personnes de nationalité marocaine . Le tribunal des Conflits, bien que n'ayant pas pour vocation de juger l'affaire au fond, est contraint pour les questions de voie de fait de se prononcer sur le fond de l'affaire. On peut penser qu'ici, il a implicitement admis que la décision de l'administration de consigner les deux personnes est entaché d'illégalité, d'abord parce qu'il ne cherche pas à démontrer le contraire, ce qui aurait de droit déqualifié la décision de voie de fait et lui aurait permis de rendre la même conclusion. [...]
[...] Une argumentation ingénieuse du Tribunal des Conflits. La consignation à bord des deux personnes de nationalité marocaine constitue une atteinte à leurs libertés individuelle d'autant plus grave qu'une zone d'attente à été institué par l'ordonnance 2 novembre 1945, le Tribunal des Conflits pour arriver à sa conclusion ne mettra pas d'ailleurs en doute cet élément mais se basera sur une autre argumentation, puisqu'il n'a pas pour rôle de juger l'affaire au fond. Le Tribunal des Conflits va donc déterminer si le Code de Procédure Pénale, dans son article 136 (disposant notamment que «dans tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire sont toujours compétent») ne donne pas compétence en l'espèce au Juge judiciaire. [...]
[...] Le tribunal des conflits va répondre à ces deux questions par la négative, et ainsi confirmer l'arrêté de conflit du préfet, pour donner la compétence au Juge administratif. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal des Conflits va d'abord développer une approche restrictive des compétences du juge judiciaire pour les cas d'atteintes à la liberté individuelle puis il donnera sa vision restrictive de la voie de fait selon une jurisprudence assez constante. Une approche restrictive des compétences du juge judiciaire pour les cas d'atteintes à la liberté individuelle. [...]
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