Commentaire de l'arrêt "Teissier" du conseil d'état de 1953 concernant la discipline et la liberté d'opinion des fonctionnaires

Extraits

[...] GAJA n°72 Arrêt Teissier CE Ass mars 1953 Thèmes : Discipline et liberté d'opinion pour les fonctionnaires Le problème posé par l'arrêt : M. Teissier était directeur du Centre national de la recherche scientifique et l'un des présidents d'honneur de l'Union française universitaire. Cette organisation fit circuler, à la fin de 1949, une résolution qui critiquait de récentes mesures d'expulsion prises à l'encontre de professeurs polonais enseignant en France. Le ministre de l'Education nationale demanda alors des explications au directeur du CNRS, qui n'avait pas participé directement à l'élaboration de la résolution mais dont le nom figurait sur la lettre en tant que président d'honneur. [...]

[...] Tous les agents, supérieurs ou subalternes, peuvent, dans la manifestation de leurs opinions, commettre une faute contre le service en manquant à la réserve qui s'expose à eux, et s'exposer ainsi à des sanctions disciplinaires. Par exemple, un secrétaire de mairie a été considéré comme ayant commis une faute disciplinaire, parce qu'il s'était livré à de violentes attaques contre son maire dans la presse locale (CE 11 juillet 1939, Ville d'Armentières). - Cas des syndicalistes : le Conseil d'Etat a considéré que les dirigeants de syndicats échappent dans une large mesure aux obligations dont ils sont tenus en tant que fonctionnaire, en raison de la liberté d'expression. [...]

[...] La question se posait de savoir si le requérant avait commis une faute disciplinaire en refusant de désavouer des attaques violentes contre le gouvernement ; ainsi était soulevé l'ensemble du problème de la liberté d'opinion et du loyalisme des fonctionnaires. Pourquoi l'arrêt est important : Le Conseil d'Etat rejeta la requête en estimant que, compte tenu de son rang et de ses responsabilités, le directeur du CNRS était tenu à une réserve particulière à l'égard du gouvernement et qu'il avait commis une faute disciplinaire en refusant de désapprouver un texte qui constituait une manifestation publique et violente contre le gouvernement. [...]

[...] dans l'exécution du service, devoir de stricte neutralité (CE Sect mars 1950, Delle Jamet) ; en dehors du service, la liberté d'expression constitue le principe. Le fonctionnaire peut être inscrit à un parti politique, parler et écrire librement, se présenter aux élections. - Ces principes comportent cependant une double exception : Les emplois supérieurs, qui sont soumis à la discrétion du gouvernement. Leurs titulaires peuvent être révoqués pour des motifs de simple convenance politique. Mais si le gouvernement peut ainsi relever de leurs fonctions les titulaires des emplois supérieurs pour des raisons de convenance, il doit établir l'existence d'une faute disciplinaire lorsqu'il invoque un grief précis à l'encontre de l'intéressé (arrêt Teissier). [...]