« Il est bien rare que les petits osent attenter aux droits des grands. Il est bien naturel que l'orgueil des grands tende à méconnaître le droit des petits » disait le juriste et politicien brésilien Ruy BARBOSA. La théorie des mutations domaniales est en effet une théorie où l'Etat, seul, peut imposer aux collectivités territoriales une réaffectation de son domaine public immobilier sans aucune indemnisation.
Le terme de mutation domaniale désigne ici la modification autoritaire par l'Etat, à son profit, de l'affectation d'un bien appartenant à une autre personne publique ou au profit d'une autre collectivité. En droit positif, les mutations domaniales demeurent d'application exceptionnelle mais potentiellement vaste. Elles concernent les biens de toutes les personnes publiques autres que l'Etat, aussi bien pour la dépossession que pour l'affectation ; elles touchent également les concessionnaires de service public auxquels le bien avait été confié (...)
[...] En effet, la contrainte que constitue le pouvoir de l'Etat sur des biens qui ne lui appartiennent pas est une atteinte manifeste au droit de propriété des personnes publiques. De plus, l'article 72 de la Constitution reconnaît le principe de libre administration des collectivités locales. L'Etat, pourtant gardien du principe, peut-il alors priver à la collectivité locale des moyens matériels de cette liberté ? L'enjeu de cohérence du CGPPP avec les dispositions du code civil situe ce débat donc dans le giron de l'unité du concept de propriété. [...]
[...] Les collectivités territoriales et les établissements publics peuvent donc opérer entre eux un transfert de biens appartenant à leur domaine public, pour permettre à la personne publique bénéficiaire du transfert de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation ) L'affirmation d'un véritable droit à indemnisation : La jurisprudence ne reconnaissait pas à la collectivité territoriale ou à l'établissement public le droit à être indemnisé pour la perte du droit d'affecter le bien qui lui appartient à sa convenance ; elle n'avait que la possibilité d'obtenir une indemnité pour réparer les dommages de travaux publics qu'elle pourrait invoquer (CE 13 mars 1925, Ville de Paris contre Compagnie des chemins de fer d'Orléans). En 2006, le CGPPP inscrit dans le droit positif, le principe d'une indemnisation à raison des dépenses ou de la privation de revenus qui peuvent en résulter pour la personne dessaisie (article L. 2123-6 CGPPP). Les conditions de l'indemnisation des personnes publiques qui font l'objet d'une mutation autoritaire décidée par l'État sont en effet confirmées par ce code. [...]
[...] Mais alors, la question se pose de savoir si la codification de la théorie des mutations domaniales par le CGPPP en 2006 a définitivement légitimé et entériné cette pratique dans l'ordre juridique français ? On ne peut nier que cette codification a légitimisé sur le plan formel la théorie jusqu'ici purement jurisprudentielle, donc de ce fait peu reconnue au niveau de la hiérarchie des normes ; et en parallèle, le CGPPP a apporté quelques réponses innovantes aux craintes suscitées depuis longtemps par cette théorie ( I Cependant, ces réponses semblent être encore insuffisantes pour rassurer totalement la doctrine, notamment par rapport à l'empiètement manifeste du procédé des mutations domaniales sur les autres droits des personnes publiques concernées. [...]
[...] De même, des parcelles du domaine public d'une collectivité locale peuvent être incluses dans une déclaration d'utilité publique prononcée au bénéfice de l'État puisque cette dernière n'entraîne pas par elle-même le transfert de propriété (CE Commune de Thiais). Enfin, l'expropriation peut être utilisée pour acquérir un bien domanial faisant partie du domaine privé. Cette pratique correspond le plus souvent à des acquisitions nécessaires pour réaliser des aménagements d'intérêt public tels que des aménagements de voies, des programmes de construction présentant un intérêt public. Ainsi, il est déjà possible d'exproprier les personnes publiques, ce moyennant compensation. Or, la doctrine voit en la théorie des mutations domaniales, une sorte expropriation déguisée, l'indemnisation en moins. [...]
[...] Plus que la libre administration qui ne souffre que médiatement, le droit de propriété des personnes publiques s'érode, alors même qu'il se voit protégé par l'article 17 de la Déclaration de 1789. B ) Des mutations domaniales vers une procédure d'expropriation, volonté d'une doctrine toujours sceptique : Il convient de rappeler deux dispositions du CGPPP qui ont innové en matière de sortie forcée du domaine d'une personne publique ; il s'agit de l'expropriation des biens domaniaux et des mutations domaniales. [...]
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