La création de la Commission Nationale de l'Information et des Libertés (CNIL) par la loi du 6 janvier 1978 marque l'émergence d'une nouvelle catégorie d'institution de l'Etat, les Autorités Administratives Indépendantes (AAI). Multipliées par le législateur dans les années 90, on compte aujourd'hui plus de 35 AAI qui interviennent notamment dans les domaines de la régulation économique et financière, l'information et la communication, et la défense des droits des administrés contre la « mal administration ».
L'essor des AAI dans le paysage administratif français participe à un mouvement commun avec les autres grands pays démocratiques de redéfinition de la répartition et de l'exercice du pouvoir de l'Etat dans les domaines sensibles tel que le respect des libertés publiques ou la régulation des marchés. La mise en place des AAI répond ainsi à une volonté de distinguer, à côté des administrations traditionnelles, des organes dotés de garanties d'indépendance particulières par rapport au pouvoir exécutif, pour accomplir leur mission de contrôle, de régulation et de médiation en toute transparence et impartialité.
Cependant, le développement très rapide, désordonné et pragmatique des AAI comme nouvelles instances administratives pose des interrogations. En effet, leur hétérogénéité, la «véritable mosaïque juridique » qu'elles constituent soulève d'importantes questions liées à leur insertion dans l'organisation administrative et à leur fonctionnement. Ainsi, est-il permis de s'interroger sur la place des AAI dans l'administration traditionnelle.
[...] La multiplication des AAI dans le paysage administratif français a certes répondu au besoin d'indépendance et d'impartialité de certaines missions étatiques, mais leur flou juridique et leur nature originale ont déstabilisé l'administration traditionnelle Du fait de leur indépendance et de leur capacité à sanctionner, les AAI sont des instances administratives qui offrent au citoyen une garantie d'impartialité et d'efficacité La création des AAI est une réponse à un souci d'impartialité et d'efficacité de certaines missions étatiques sensibles tel que la régulation des marchés ou la lutte contre les discriminations. Ainsi, le législateur a mis en place un nouvel organe administratif original qui tire son efficacité de son indépendance. Cette indépendance est garantie par des pouvoirs qui définissent l'autorité des AAI. La composition d'une AAI est le plus souvent collégiale, sous l'autorité d'un président nommé ou élu en son sein. [...]
[...] Les AAI ont été créés au cas par cas, de façon pragmatique par le législateur. Il existe donc un véritable flou juridique autour de la notion de AAI qui a généré une prolifération d'autorité très diverse. En effet, les AAI présentent une hétérogénéité qui apparaît dans les domaines d'action, les missions, les statuts ainsi que dans les compétences. Il est tout d'abord possible de dégager deux secteurs d'interventions : la régulation économique et financière et la protection des personnes. En premier lieu, les AAI exerçant une mission de régulation économique, contrôlent l'organisation d'un marché par l'édiction de normes impératives, peuvent prononcer des sanctions à l'égard des contrevenants aux règles posées, ce qui leurs confèrent un caractère quasi juridictionnel. [...]
[...] Par ailleurs, dans ses décisions du 18 septembre 1986 relative à la CNIL, du 17 janvier 1989 relative au CSA et du 28 juillet 1989 relative à la COB, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 21 de la Constitution ne faisaient pas obstacle à ce qu'une loi confère un pouvoir réglementaire à une autorité administrative indépendante, dans certaines conditions. Ce n'est pas un pouvoir réglementaire autonome : il ne peut s'appliquer qu'à des mesures à portée limitée et dans le respect des lois et des décrets. Il s'agit donc d'un pouvoir réglementaire étroitement subordonné et spécialisé, le Conseil n'ayant pas hésité à censurer des habilitations jugées excessives. Les règlements pris par les AAI sont, le plus souvent homologués par le ministre compétent, permettant d'assurer l'harmonisation avec les autres règlements. [...]
[...] Cette indépendance s'observe ainsi par l'impossibilité de mettre fin aux fonctions des membres avant la fin de leur mandat :CE,7 juillet 1989, Ordonneau. Enfin, l'indépendance est aussi assurée par une forme d'autonomie financière. Certaines AAI tirent en effet leurs ressources de taxes perçues sur les personnes bénéficiaires de leurs services ou qu'elles sont chargées de contrôler. Néanmoins, en l'absence d'une personnalité juridique propre (qui ne les empêche cependant pas d'agir en justice dans devoir se faire représenter par un ministre), les AAI n'ont pas de patrimoine ni de ressources propres susceptibles de leur assurer une véritable autonomie financière. [...]
[...] Elles constituent donc une exception à l'article 20 de la Constitution selon lequel le gouvernement dispose de l'administration. Par ailleurs, certaines AAI sont dotées d'un pouvoir réglementaire, ce qui, encore une fois, contrevient à l'unité réglementaire déterminée par la Constitution à l'article 21, qui sous réserve des pouvoirs du Président de la République, fait du premier ministre le seul détenteur du pouvoir réglementaire au niveau national[3]. Par conséquent, les autorités administratives indépendantes remettent en cause la conception de l'organisation et des conditions d'exercice du pouvoir dans l'État. [...]
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