Même si la distinction entre les recours pour excès de pouvoir et de pleine juridiction reste aujourd'hui essentielle, la jurisprudence a assoupli cette distinction en matière de contentieux contractuel afin de faciliter les recours contre les contrats.
[...] Premièrement, le juge peut, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat prononcer la résiliation du contrat ou modifier certaines de ses clauses ce qui permet à la décision d'avoir des effets pour l'avenir auprès des parties au contrat et des tiers. Cette prérogative est une innovation puisque une partie devait, avant cet arrêt, demander la résiliation au juge pour que celui-ci puisse la prononcer. En second lieu, le juge dispose du pouvoir de décider de la poursuite de l'exécution du contrat, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante lorsque le vice entachant le contrat est minime et peut être supprimé sans porter atteinte à la substance du contrat en lui-même. [...]
[...] Alors, des évolutions ont été admises, notamment dans la loi du 2 mars 1982, appliquée dans un arrêt Commune de Sainte-Marie du 26 Juillet 1991, pour l'annulation d'un contrat sur déféré préfectoral par un recours pour excès de pouvoir; et par la jurisprudence quant au recours pour excès de pouvoir contre les clauses règlementaires d'un contrat Cayzeele juillet 1996) et contre les contrats de recrutement d'agents publics non titulaires Ville de Lisieux octobre 1998). Ainsi, malgré un principe initial strict interdisant toute voie de recours aux tiers contre les contrats administratifs, la jurisprudence avait déjà amorcé une évolution en la matière en reconnaissant aux tiers la possibilité du recours pour excès de pouvoir contre certains actes détachables du contrat. Cependant l'arrêt Tropic a consacré cette évolution en admettant la possibilité d'un recours de pleine juridiction pour les concurrents évincés contre le contrat. [...]
[...] Cela estompe donc quelque peu la distinction entre le recours de pleine juridiction et le recours pour excès de pouvoir. De plus, ce délai est appliqué en l'espèce y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics alors que ceux-ci sont habituellement soumis à un régime particulier. Ainsi, la volonté de préservation de la sécurité juridique, définit par l'arrêt KPMG du 24 mars 2006 comme un principe général du droit, et de la stabilité contractuelle du Conseil d'État est démontrée par la limitation dans le temps de la possibilité de recours des concurrents évincés contre le contrat. [...]
[...] En l'espèce la Société Tropic avait usé de son droit de demander la suspension de l'exécution du contrat mais le Conseil d'État a rejeté cette demande au motif que le seul moyen d'annulation qu'elle soulève et qui est tiré du détournement de pouvoir n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce marché Le recours pour excès de pouvoir est ainsi confondu avec le recours de pleine juridiction et le juge, en plus d'être un juge de la légalité, dispose de nouvelles prérogatives de même que les requérants. En effet, les juges du Conseil d'État ont préféré la création de cette nouvelle voie de recours à l'élargissement des voies de recours existantes. Cependant, si le Conseil d'État admet un nouveau recours pour les tiers contre les contrats, la recevabilité de celui-ci n'en est pas moins encadrée. [...]
[...] En créant cette nouvelle voie de recours, le Conseil d'État a étendu les pouvoirs du juge administratif de même que ceux des parties dans le cadre du recours de plein contentieux. En effet, si le juge du recours pour excès de pouvoir ne dispose que du pourvoir d'annuler ou non le contrat, le juge du recours de pleine juridiction qui, depuis l'arrêt Institut de recherche et développement du 10 décembre 2003 doit apprécier la validité du contrat en tenant compte de la nature de l'illégalité éventuellement commise et de l'atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants dispose également, à travers l'arrêt Tropic, de pouvoirs supplémentaires. [...]
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