Avec la police administrative, le service public constitue une activité fondamentale de l'Administration. Cette notion est fondamentalement liée à l'histoire du droit administratif, de l'Administration, ou plus généralement de l'Etat. Si, à l'origine, elle a servi de critère du droit administratif, elle a depuis perdu de sa force. En effet, à partir de l'arrêt du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921, Société commerciale de l'ouest africain, les service publics se divisent en deux catégories : les services publics administratifs (SPA) soumis majoritairement au droit administratif, et les services publics industriels et commerciaux (SPIC) soumis majoritairement au droit privé. Dès cette date, le régime des services publics est donc scindé en deux.
Mais, de par l'importance que les services publics revêtent dans la société française, il existe dans le régime qui leur est applicable un noyau dur de règles, de principes qui s'appliquent à tous les services publics sans distinction. Ces principes ont été systématisés par le professeur Louis Rolland sous le nom de lois du service public ou lois de Rolland. Ils comprennent la continuité, l'égalité et l'adaptabilité. Ce sont les deux premiers qui posent problème dans l'arrêt du Conseil d'Etat (CE) du 13 janvier 1992, Syndicat national des ingénieurs de l'aviation civile.
En effet, le 14 octobre 1986, le ministre chargé des transports réglemente par une circulaire l'exercice du droit de grève à la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il fixe une liste d'agents qui doivent demeurer à leur poste en cas de cessation concertée du travail. Il s'agit donc d'un retrait du droit de grève. Le Syndicat national des ingénieurs de l'aviation civile ? l'intérêt collectif est reconnu depuis l'arrêt du CE du 28 décembre 1906, Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges - saisit le CE (compétent en premier et dernier ressort puisqu'il s'agit d'un acte réglementaire d'un ministre) pour qu'i annule cette circulaire. Ce dernier considèrera cependant que celle-ci est bien légale ...
[...] C'est au législateur de réglementer l'exercice du droit de grève. L'assemblée constituante a ainsi opéré une délégation de pouvoir. Le législateur doit concilier le défense des intérêts professionnels dont la grève constitue l'une des modalités et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte C'est l'idéologie qui doit inspirer le législateur lorsqu'il réglemente de droit de grève. Il s'agit là de la démarche classique de conciliation qu'adopte le CE habituellement. Mais, se pose à la juridiction administrative un problème de fait. [...]
[...] Ici concernant l'aviation civile, les exigences de continuité se comprennent aisément et seront plus strictes que celles d'autres services. Le droit de grève, quant à lui, peut se définir comme l'interruption collective et concertée du travail en vue d'appuyer une revendication. Il est aisé de comprendre en quoi une telle interruption du travail peut porter atteinte à la continuité du service public. Le droit devait alors immanquablement se saisir d'une telle opposition pour poser les règles. La confrontation des deux grands principes Cette confrontation commença avec un solution des plus radicales. [...]
[...] Ici, c'est la continuité du service public qui prime de façon absolue. Ce retrait du droit de grève est donc pour le CE légal. Le directeur de ce service a opéré la bonne conciliation. Cela fait partie des quatre cas de retrait du droit de grève, avec les agents participant à l'action gouvernementale, les agents assurant les liaison indispensables à l'action gouvernementale, et les agents devant rester à leur poste en raison des nécessités de l'ordre public. La circulaire fixe aussi la liste des agents concernés. [...]
[...] Puisque ces lois n'existent pas, c'est au gouvernement responsable du fonctionnement des services publics de fixer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations qui doivent être apportées au droit de grève en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public Plusieurs remarques doivent être faites ici. Il reconnaît d'abord implicitement que le droit de grève concerne aussi bien les agents du service public que ceux du secteur privé. Surtout, même s'il n'y a pas de lois, des limitations au droit de grève sont possibles. Il s'agit là d'une construction jurisprudentielle audacieuse. En effet, là où la constitution prévoit des lois et l'intervention du législateur, le CE accepte l'intervention du Gouvernement et de la réglementation administrative. [...]
[...] Il s'agit de la réglementation de la grève dans un service public. Comme on le sait, existe une loi du service public qui est la continuité. Celle-ci (et l'on s'en tiendra là pour une première définition) impose que les services publics soient assurés de façon continue. L'exercice de la grève paraît alors difficilement conciliable avec ce principe. Le premier problème à étudier concernera donc la façon dont ont été conciliés au cours de l'histoire droit de grève et continuité du service public, dans la mesure où la solution rendue dans cet arrêt est le résultat de cette évolution. [...]
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