Par l'arrêt en date du 5 mai 1986, Leblanc et Tissier, le Conseil d'Etat met en oeuvre la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation tout en précisant ses conditions d'application. Des faits de l'espèce il ressort que le 22 septembre 1982, le préfet de la Vienne a accordé à titre dérogatoire à Mme Lamone-Laleu l'autorisation d'ouvrir une pharmacie au motif que "les besoins de la santé publique justifient la création d'une officine".
Le 4 mars 1983 M. Leblanc a invoqué l'insuffisante motivation de cet arrêté. Le 1er avril 1983, le préfet décida de pallier à cette irrégularité en précisant au sens de la loi du 11 juillet 1979 les motifs de sa décision. Le tribunal administratif de Poitiers par un jugement en date du 7 mars 1984 a décidé de faire droit à la demande de M. Leblanc relative à l'annulation de l'arrêté. Le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale s'est donc pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat. Le requérant estime en effet que l'arrêté est suffisamment motivé et ne peut donc être annulé. Le juge administratif doit-il prendre en compte la motivation d'une décision administrative dérogatoire postérieure à celle-ci ? (...)
[...] Une telle solution aurait été en l'espèce tout à fait adaptée du fait de l'illégalité de la décision insuffisamment motivée et de l'impossibilité de la motiver a posteriori. Du fait de son caractère créateur de droit l'acte en l'espèce ne peut être motivé que dans un certain délai, celui du recours contentieux à savoir deux mois. (L'affaire datant de 1986, le juge administratif applique en effet toujours la jurisprudence Cachet de 1922 et pas encore la jurisprudence Ternon de 2001). [...]
[...] Sans aller à l'encontre de ce principe, la loi du 11 juillet 1979 élargit les cas de motivation obligatoire d'une décision administrative. Il faut ici entendre décision au sens d'acte administratif unilatéral décisoire c'est-à-dire d'acte émanant de l'administration s'insérant dans la hiérarchie des normes pour créer du droit. De tels actes doivent être motivés lorsqu'ils sont défavorables pour leur destinataire, émanent d'organismes de protection sociale ou sont dérogatoires. Or, en l'espèce, la décision d'ouvrir une pharmacie supplémentaire est dérogatoire. En effet, selon le code de santé publique, il existe un numerus clausus de pharmacies : il ne peut y avoir plus d'un certain nombre de pharmacies pour une population donnée. [...]
[...] Il existe en effet un principe général du droit énoncé en 1946 dans l'arrêt Société du Journal L'Aurore selon lequel un acte administratif ne peut être rétroactif. Or, en l'espèce l'acte visant à motiver l'arrêté en date du 22 septembre 1982 a un effet rétroactif. Il ne peut donc s'appliquer. Si le principe de non-rétroactivité souffre d'ailleurs quelques exceptions (annulation, retrait d'un acte, autorisation d'une autorité de tutelle ou dispositions législatives allant en ce sens) la motivation n'en est pas une. [...]
[...] C'est le contrôle de l'exactitude matérielle des faits inauguré par l'arrêt Camino en 1916. Ces motifs de droit et de fait doivent cependant avoir un certain contenu. Tel est le sens de l'arrêt Belasri en 1981, l'une des premières applications prétoriennes de la loi du 11 juillet 1979. L'arrêt Piscop en 1974 énonce par exemple que la reprise dans un acte administratif des termes d'une loi ne constitue pas une motivation suffisante. L'arrêt Vladescu en 1983 va également dans le sens d'une exigence de contenu conséquent de la motivation des actes administratifs. [...]
[...] Ceci est de toute manière énoncé dans la loi du 11 juillet 1979 d'où l'illégalité de la motivation ultérieure en l'espèce. Une motivation survenant a posteriori ne peut, par nature figurer dans l'acte. Ce principe souffre cependant deux exceptions : le cas des décisions implicites d'acceptation telles que décrites dans l'arrêt Lenert en 1978 (ce qui n'est pas le cas en l'espèce) ou en cas d'urgence absolue (ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce). Le retrait de l'acte comme solution alternative Le retrait consiste en la suppression rétroactive par l'administration d'un acte illégal. [...]
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