La reconnaissance d'un droit de grève pour les travailleurs a été assez difficile en France. Ce n'est effectivement qu'en 1864 que la grève a cessé d'être considérée comme un délit, ce qui n'a pas empêché le fait qu'elle a été longtemps considérée comme une entrave au principe de libre entreprise, tant du point de vue des employeurs que du juge (la jurisprudence de l'époque considérait que les grévistes rompaient leur contrat de travail par une telle action).
[...] L'arrêt étudié revient sur cette position stricte en prenant en compte les nouvelles données du problème, à savoir le fait que le pouvoir constituant de 1946 a reconnu le droit de grève sans qu'aucune restriction ne soit faite dans les termes du texte constitutionnel. Toutefois, une question se posait quant à la possibilité d'invoquer ce droit devant le juge administratif, la proclamation de ce droit étant faite non dans le corps même du texte constitutionnel, mais dans son préambule. Bien que la doctrine réponde quasi unanimement de manière positive à cette question (voir par exemple les positions des professeurs Vedel, Rivero, Duverger . la question restait en suspend avant cette décision. [...]
[...] II) Une mise en Ouvre adaptée de ce droit : Afin de permettre une mise en oeuvre conforme à sa conception du droit de grève chez les fonctionnaires, le Conseil d'Etat a fait une interprétation audacieuse des dispositions du Préambule, interprétation qui permet de pallier à un vide législatif sur la question et qui confie la résolution du problème au Gouvernement Cette interprétation a également une autre orientation non négligeable en étant particulièrement favorable au juge administratif, car elle lui donne en effet le dernier mot sur ce droit de grève des fonctionnaires Une interprétation audacieuse des dispositions constitutionnelles : Le juge administratif interprète tout d'abord le texte constitutionnel comme donnant compétence au législateur pour concilier le droit de grève avec d'autres principes participant à "la sauvegarde de l'intérêt général". Et il est vrai que l'emploi du terme loi dans cette disposition permet de penser cela. [...]
[...] Mais ce qui se révèle audacieux est le fait que le Conseil d'Etat reconnaît non pas une faculté, mais une véritable obligation à la charge des Assemblées parlementaires. Ces dernières se doivent de prendre cette réglementation, sous peine de s'exposer à une sanction importante qui est leur dessaisissement temporaire. Après avoir soigneusement précisé la portée restreinte des deux lois concernant les C.R.S et les agents de police, le Conseil d'Etat estime que le législateur n'a pas rempli en l'espèce son obligation de limitation du droit de grève, mais que cette carence ne doit pas pour autant aboutir à une absence complète de limitation. [...]
[...] Mais ce n'est pas la seule motivation de cette mise en Ouvre adaptée du droit de grève pour les fonctionnaires. Une interprétation favorable au juge administratif : Mais telle n'était pas la seule ambition du juge. Celui-ci précise en effet que le Gouvernement agit sous sa tutelle fixer lui-même, sous le contrôle du juge ce qui a pour conséquence de faire de lui, du moins de manière temporaire, l'autorité suprême en matière de réglementation du droit de grève dans les services publics. [...]
[...] La nécessaire limitation de ce droit pour les fonctionnaires : Reconnaître la valeur constitutionnelle du droit de grève ne revient pas pour autant pour le juge administratif à proclamer un caractère absolu de celui-ci. Il s'agit en effet d'éviter comme le précise l'arrêt qu'il en soit fait "un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public". Le Conseil d'Etat cherche par cette formule à éviter d'une part les grèves à motifs politiques et d'autre part les grèves ayant pour conséquence de paralyser le pays et le fonctionnement des services publics. les juges du Palais-Royal sous-entendent donc ici continuité des services publics. [...]
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