Comme l'écrivait le Président Nicolaÿ dans les premières lignes de son cours à l'Ecole nationale des Ponts-et-chaussées « ce n'est pas la modestie, mais la sagesse, qui commande de s'abstenir d'une définition du service public ». Pourtant, dans son arrêt APREI, du 22 février 2007, le Conseil d'état est amené à réexaminer la définition du service public lorsqu'il est assumé par une personne privée.
En l'espèce, l'Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI) a demandé la communication des états du personnel d'un centre d'aide par le travail (CAT) géré par l'association familiale départementale d'aide aux infirmes mentaux de l'Aude (AFDAIM). Mais l'AFDAIM a refusé de lui communiquer ces documents (...)
[...] Doit-on pour autant en déduire que la qualification, selon la deuxième hypothèse, d'une mission d'intérêt général sous contrôle administratif, dotée qui plus est de prérogatives de puissance publique, cantonne la personne privée au rôle de strict exécutant, et que, au contraire, l'utilisation, selon la troisième hypothèse, du faisceau d'indices, confèrerait à cette personne la mission dans toute son ampleur ? Rien ne le justifierait, d'autant plus que, comme on l'a vu, les indices ne font finalement que concrétiser la situation de contrôle d'une activité d'intérêt général. [...]
[...] Il faut néanmoins attendre l'arrêt Narcy, pour que le juge livre les trois critères, ou les trois éléments, permettant de déterminer la présence d'un service public géré par un organisme privé. L'intention subjective des pouvoirs publics d'ériger une activité en service public est un élément important. Lorsque cette intention n'apparaît pas clairement au juge, celui-ci cherchera divers indices permettant de déduire l'existence d'un service public, indices dégagés dans l'arrêt Narcy sect juin 1963). C'est un arrêt pédagogique qui pose les principes fondateurs qui sont aux nombres de trois : une mission d'intérêt général, des prérogatives de puissance publique, un droit de regard de l'Administration sur les modalités d'exécution de la mission. [...]
[...] Il est donc paradoxal que l'absence, dans la loi, d'une mention quant à la qualité de service public de certaines des activités soit fondée sur le fait que la loi pourrait se révéler plus que contraignante pour les personnes morales de droit privé agissant dans le secteur. La prudence du législateur de ne pas qualifier expressément s'explique essentiellement par le rôle primordial joué, dans le secteur en cause, par un milieu associatif très dynamique, qui devance en général les initiatives des pouvoirs publics et, en définitive, aurait du mal, pour reprendre les conclusions du commissaire de gouvernement à se reconnaître dans une identité du service public Comme le relève Marie-Claire Villeval le fait d'avoir paré à la carence étatique quant à la création d'établissements pour adultes et mineurs handicapés les a fait peser d'un poids important dans la négociation de 1975 avec pour effet pervers, selon cet auteur, que ces associations risquent de ne pas revendiquer des mesures qui peuvent leur être contraires en tant que gestionnaires l'applicabilité du droit du travail aux CAT. [...]
[...] Tous les éléments dont dispose le juge peuvent être utilisés : travaux préparatoires, textes législatifs antérieurs, postérieurs ou analogues. Or, cette dernière méthode appliquée en l'espèce, révèle un caractère si subjectif qu'on se prend à regretter que le juge administratif ne l'assume pas entièrement. Le raisonnement est en effet quelque peu contradictoire. Dans un premier temps, le juge s'estime fondé à interpréter le texte parce qu'il ne se trouve pas dans un cas où le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public. [...]
[...] En quelque sorte, par cette méthode d'interprétation du droit, le Conseil d'État fait prévaloir le silence, c'est-à-dire l'absence de mention du service public dans la lettre du texte mais aussi la difficulté d'y remédier, sur l'intention du législateur. Cette logique est inverse de celle, beaucoup plus classique, faisant prévaloir l'intention du législateur sur la lettre du texte. Le silence de la loi, en effet, ne traduit pas nécessairement une absence d'intention. Il peut caractériser la volonté du législateur de laisser les acteurs du service public libres de faire évoluer leur pratique du cadre juridique, et le juge libre de sa qualification. [...]
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