Le juge administratif va, dans l'arrêt Comité contre la guerre en Irak et autres du 30 décembre 2003, décliner sa compétence et refuser d'exercer son contrôle au motif que la décision prise par les autorités françaises d'autoriser les avions militaires britanniques et américains en mission contre l'Irak à emprunter l'espace aérien français « n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France. ». L'acte en cause n'étant pas détachable d'un acte de gouvernement, son examen ne pouvant s?effectuer sans référence à ce dernier, il bénéficie donc d'une immunité juridictionnelle.
Malgré l'incontestable avancée de l'Etat de droit, certains actes produits par l'Administration continuent encore d'échapper au contrôle du juge et peuvent donc, de ce fait, potentiellement s'affranchir du principe de légalité qui trouve en l'espèce ses limites à travers la notion d'acte de gouvernement. Voilà une notion de droit administratif qui a subi une érosion considérable. On appelle actes de gouvernement des mesures qui, bien que prises par l'Administration, échappent au principe de légalité et bénéficient, à ce titre, d'une totale immunité de juridiction : ils ne peuvent ni être attaqués pour illégalité ni engager la responsabilité de l'Etat. La théorie des actes de gouvernement marque les limites de la soumission du gouvernement au droit et constitue une « survivance de la raison d'Etat ». A l'origine, la jurisprudence qualifie d'acte de gouvernement l'acte à mobile politique ou « acte politique » (1er mai 1822, Laffitte), celui dont le juge se refuse à connaître. Le Conseil d'Etat va renverser sa jurisprudence traditionnelle dans une décision de principe (19 février 1875, Prince Napoléon). Désormais, il examine cas par cas si l'on est en présence d'un acte de gouvernement, sans se soucier de savoir si l'acte obéit à des considérations politiques. Les actes de gouvernement ne peuvent pas faire l'objet d'une définition théorique claire, mais seulement d'une liste établie par la jurisprudence. A l'heure actuelle, ne constituent plus des actes de gouvernement que deux groupes de décisions : les actes concernant les rapports de l'Exécutif avec le Parlement et ceux qui se rattachent directement aux relations de la France avec les puissances étrangères (...)
[...] En l'espèce, les autorités françaises, plus précisément la décision du ministre de la défense, révélée par une déclaration du ministre des affaires étrangères du 25 mars 2003, ont autorisé les avions militaires américains et britanniques qui accomplissent des missions contre l'Irak à emprunter l'espace aérien français. Le 10 avril 2003, une requête du comité contre la guerre en Irak, de l'union syndicale aviation civile/ confédération générale du travail et de la coordination des appels pour une paix juste au Proche - Orient est enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Cette requête a pour objectif l'annulation de la décision des autorités françaises pour excès de pouvoir. [...]
[...] Pourtant, les associations requérantes auraient pu utiliser ce droit de recours effectif, consacré par l'article 13. La question aurait été alors de savoir quel droit consacré et protégé par la CEDH a été violé afin que le juge applique l'article 13. On se trouve ainsi confronté à un problème majeur dans le cas concret où une décision administrative serait susceptible de porter atteinte à un droit ou à une liberté d'une personne et que les stipulations de l'article 13 ne seraient pas effectives en raison d'un droit ou d'une liberté d'une personne qui a été certes bafouée, mais qui n'est pas protégé par la Convention Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] Les requérants invoquaient à l'appui de leur recours les stipulations de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Le juge refuse de se prononcer sur la conventionalité de l'acte car les stipulations de l'article 6 ne pouvaient être utilement invoquées ici, le moyen est donc inopérant. Cet arrêt soulève la question de la compatibilité de l'acte de gouvernement aux exigences de la convention européenne des droits de l'homme A. L'article 6 de la CEDH, un moyen inopérant. [...]
[...] Le Conseil d'Etat statue ici en premier ressort. Il statue au contentieux, 8e et 3e sous - section réunies. Le problème de droit qui est posé est le suivant: les décisions que l'Etat français prend dans le cadre de la conduite des relations internationales peuvent-elles faire l'objet d'un recours devant le juge administratif? Les requêtes sont rejetées, le juge administratif s'estimant incompétent pour connaître des requêtes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision des autorités françaises. Pour le Conseil d'Etat, la décision des autorités françaises n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France, elle ne peut faire l'objet d'aucun recours, même devant le juge administratif. [...]
[...] Depuis les arrêts Laffitte (CE mai 1822) et Prince Napoléon (CE février 1875) , on sait que les actes de l'exécutif ne sont pas tous des actes matériellement administratifs et échappent parfois au contrôle du juge administratif. On les appelle acte de gouvernement. Si on a abandonné le mobile politique pour expliquer leur immunité juridictionnelle, on distingue aujourd'hui la fonction administrative et la fonction gouvernementale de l'exécutif. Cette catégorie s'amenuise (usage de la notion d'acte détachable; ex.: CE Sect septembre 1998, Mégret) mais on distingue encore en son sein les actes de gouvernement internes de ceux touchant aux relations internationales de l'Etat français. [...]
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