En rendant responsable la personne publique mise en cause devant le juge administratif de l'ensemble des dommages subis par la victime, du fait de produits sanguins élaborés par plusieurs centres de transfusion ayant des personnalités juridiques distinctes et en la condamnant à réparer si elle n'établit pas l'innocuité des produits qu'elle a elle-même élaborés, le Conseil d'Etat apporte du nouveau, quant à la réparation des dommages causés par des produits sanguins contaminés. Dès 1993, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé sur la responsabilité de l'Etat à l'égard des hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine (...)
[...] II- La transmission aux héritiers de l'action en réparation d'une victime décédée: une solution juridiquement contestable. A propos de l'établissement du préjudice, le Conseil d'Etat a considéré que si la victime d'un dommage avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le droit à réparation des préjudices tant matériels que personnels subis par Mme Y est entré dans le patrimoine de ses héritiers alors même que Mme Y n'avait, avant son décès, introduit aucune action tendant à la réparation de ces préjudices Il confirme ainsi la solution qu'il avait adopté dans son arrêt de Section en date du 29 mars 2000, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris c/Consorts Jacquié (RFDA 2000, pp.850 et s., concl. [...]
[...] Ces considérations de logique juridique ne pèsent pas lourd, il est vrai, face à la douleur des familles de victimes décédées à la suite de la transfusion de produits sanguins censés normalement améliorer leur état et qui en réalité l'aggravent de manière irrésistible, ce qui a conduit le juge administratif, dans ses arrêts précités de 1995, à les assimiler à des choses dangereuses, au même titre que des explosifs et des armes à feu Pour autant, on sent bien qu'une telle solution n'est pas pleinement satisfaisante, au regard tant des règles jurisprudentielles de la responsabilité administrative, que du but auquel doit tendre toute décision du juge qui est d'assurer un juste équilibre entre les parties au procès. N'y a-t-il pas une certaine injustice à condamner, sur le fondement du risque, c'est-à-dire d'une responsabilité sans faute, des hôpitaux et des centres de transfusion sanguine à verser une forte indemnisation à un héritier pour un préjudice qu'il n'a pas personnellement subi? N'est-il surtout pas injuste de faire peser sur quelques personnes une charge qui devrait incomber à l'ensemble de la société, au titre de la solidarité nationale? [...]
[...] A mois de considérer qu'en tant que proches de la victime, ils ont partagé ses souffrances. Mais dans ce cas, ils bénéficient d'une possibilité d'action spécifique sur le fondement de la douleur morale Ass novembre 1961, Ministre des Travaux Publics Consorts Letisserand, rec. P. 661). Cette solution n'est pas sans heurter la logique. Comme le remarquant Philippe Malaurie et Laurent Aynès, l'auteur du dommage a intérêt à faire périr immédiatement la victime, sans la faire souffrir, afin de ne pas avoir à l'indemniser. [...]
[...] Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat admet une responsabilité in solidus de l'hôpital, personne publique mise en cause, à moins qu'il n'établisse l'innocuité des produits qu'elle a elle-même élaborés. Cette dernière précision vise à permettre à la personne publique de dégager son imputabilité si les produits sanguins qui ont été transfusés à la victime n'avaient pas été élaborés par elle. Par là, le juge administratif réitère son attachement au raisonnement tenu dans sa jurisprudence établie en 1995, selon lequel c'est la mauvaise qualité du produit sanguin et non l'acte d'administrer le produit qui est à l'origine du dommage. [...]
[...] Selon l'arrêt de 1971, le préjudice subi par la victime avant son décès, du fait des souffrances quelle a endurées, ne saurait, en l'absence de toute action introduite par elle avant son décès, ouvrir droit à la réparation au profit des ayants droits Par conséquent, ce n'était que lorsque la victime avait engagé une action avant son décès que les héritiers pouvaient obtenir réparation des préjudices qu'avait endurés la victime dans son patrimoine et dans sa personne. Il était en revanche admis depuis longtemps, tant par le juge administratif que par le juge judiciaire, que les héritiers pouvaient, à propos du préjudice matériel de la victime, introduire une action en réparation si la victime s'était abstenue d'y procéder. [...]
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