Les actes administratifs unilatéraux sont susceptibles d'être expulsés de l'ordonnancement juridique. Plusieurs techniques peuvent être mises en oeuvre. La première est celle de l'annulation: le juge administratif saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif illégal annule cet acte. L'annulation vaut à l'égard de tous et possède un effet rétroactif: l'acte annulé est censé n'avoir jamais existé. La seconde technique est l'abrogation. Elle est mise en oeuvre par l'autorité administrative et entraîne l'anéantissement des effets juridiques de l'acte seulement à partir du moment où cette abrogation intervient. L'abrogation peut intervenir à tout moment pour les actes réglementaires ou individuels n'ayant pas fait acquérir de droits; pour les actes générateurs de droits, elle ne doit intervenir que dans les cas et suivant les procédures prévus par la loi. La troisième technique, mise en application dans l'arrêt étudié, est celle du retrait. Comme l'abrogation, il est l'oeuvre de l'autorité administrative, l'auteur de l'acte. Mais comme l'annulation, le retrait entraîne la disparition rétroactive de l'acte. La portée rétroactive du retrait se justifie par les exigences de légalité. En même temps, un acte illégal a pu créer des droits pour un ou plusieurs citoyens; pour la sécurité juridique de ces derniers, il faut que la disparition éventuelle de l'acte soit enfermée dans de strictes conditions.
Depuis longtemps, les juges tentent de concilier les principes de légalité et de stabilité juridique, il en résulte une jurisprudence hésitante. L'arrêt Ternon, rendu en Assemblée par le conseil d'Etat le 26 octobre 2001, tente de clore la question du retrait. Le régime juridique est redéfini (I), cependant, la portée de l'arrêt reste à nuancer (II) (...)
[...] Il pose la règle selon laquelle, le délai de retrait d'un acte non publié ne peut jamais être indéfini au profit de l'administration. En revanche, il peut l' être au profit des tiers ou du bénéficiaire lui-même. Cette décision protège la stabilité juridique des administrés, tout comme l'arrêt Dame Cachet l'avait fait avant elle; mais elle introduit des questions quand au délai de retrait: le délai de recours est toujours indéfini en cas d'absence de publicité, le délai de retrait peut ne pas être indéfini. [...]
[...] L'arrêt Ternon ne clôt pas le débat relatif au droit du retrait du fait du caractère attentatoire ce celui-ci aux situations juridiques acquises par les administrés, mais il s'inscrit dans un mouvement général en faveur des droits des administrés. C'est en ce sens qu'il est conforme à la loi du 12 avril 2000. Ce qui est visé par eux, c'est la transparence des actions de l'administration et la sécurité juridique des administrés. [...]
[...] Le fait que la nouvelle solution jurisprudentielle soit si conditionnée réduit la portée de l'arrêt et complexifie encore le droit de retrait des actes administratifs L'arrêt Ternon à amener de nombreuses critiques doctrinales A. une solution conditionnée et restrictive limitant la portée de l'arrêt La référence à une disposition réglementaire montre que le conseil d'Etat n'a pas entendu faire du délai de quatre mois de l'arrêt Ternon un principe général du droit lorsque celui-ci possède une valeur supra décrétale. Il laisse au pouvoir réglementaire une possibilité d'adaptation d'un délai de 4 mois pour tenir éventuellement compte de la diversité des situations auxquelles est confrontée l'administration. [...]
[...] Quel est le régime du retrait des actes administratifs ? L'assemblée plénière pose le principe suivant: sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision Aussi, le président du conseil régional en prononçant le retrait de l'arrêté du 31 décembre 1983 par une décision du 25 mars 1988 l'a fait illégalement. [...]
[...] Critique de la doctrine: complexification du droit de retrait des actes administratifs et concurrence avec le législateur La solution posée par l'arrêt Ternon ne clôt pas le débat relatif au délai du retrait puisqu'on ne peut pas parler d'un délai général de retrait de quatre mois. Comme on l'a vu précédemment, de nombreux cas sont écartés par la jurisprudence Ternon: les actes non créateurs de droits, les actes réglementaires, les actes relevant de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques et les actes collectifs La diversité des règles donne lieu à un éclatement de la matière du droit de retrait. [...]
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