Tribunal des conflits 6 juin 2016, commune d'Aragnouet contre commune de Vignec, contrat de cession de bien immobilier, droit public, droit privé, contrat administratif, clauses, arrêt Commune de Bourisp contre ommune de Saint-Lary-Soulan, arrêt Union des Assurances de Paris, arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges, arrêt SA Axa France IARD, intérêt général, commentaire d'arrêt
La caractérisation de la nature juridique des contrats de cession immobilière passés entre personnes publiques souffre de telles particularités qu'elle a donné lieu à un renversement du principe de la priorité du critère organique. C'est ce renversement, signe d'un déclin plus général du critère organique, que vient ici confirmer le Tribunal des conflits dans une décision du 6 juin 2016.
En l'espèce, le préfet des Hautes-Pyrénées avait déclaré d'utilité publique la création d'une station de sports d'hiver sur la commune d'Aragnouet, et dressé la liste des immeubles à acquérir dans cet objectif, cette liste comprenant des terrains appartenant en indivision aux communes de Vignec et de Cadheilhan Trachère. Par une convention de 1970, la commune de Vignec cède à celle d'Aragnouet l'ensemble de ses parts sur ces terrains. En 2007 cependant, le maire de la commune d'Aragnouet la résilie sur le fondement d'une délibération du conseil municipal du 27 novembre 2007. Cette délibération est frappée d'un recours pour excès de pouvoir, rejeté en 2010 par le tribunal administratif de Pau, dont la décision est confirmée en 2011 par la cour administrative d'appel de Bordeaux.
[...] Cette exception n'est pas spécifique à l'espèce et résulte d'une jurisprudence centenaire : c'est déjà le critère qu'utilisait le Conseil d'État dans un arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges, du 31 juillet 1912. Elle est toutefois utilisée ici en tant qu'exception au caractère de droit privé de ce type de contrat. On a finalement, par rapport à l'emploi classique du critère organique, un renversement du principe et de l'exception. Ce renversement traduit le déclin du critère organique qui devrait permettre de caractériser comme de droit public les contrats conclus entre deux personnes publiques. Ici au contraire, le contrat, malgré le critère organique, est présumé de droit privé. [...]
[...] L'articulation du principe et de l'exception dans la caractérisation de la nature du contrat de cession immobilière entre deux personnes publiques Cette articulation est classique, et déjà connue de la jurisprudence antérieure : le principe est la soumission au droit privé des contrats de cession immobilière conclus entre deux personnes publiques l'exception résultant de l'existence de clauses démontrant un régime exorbitant de droit public A. Le principe de soumission au droit privé du contrat de cession immobilière entre deux personnes publiques Dans une formule de principe, le Tribunal des conflits affirme que le contrat de cession par une commune de biens immobiliers propres est un contrat de droit privé. Il indique explicitement que tel sera le cas, quelle que soit la nature juridique du cocontractant de cette commune. Il en ira donc de même, lorsque, comme en l'espèce, le cocontractant est une personne publique. [...]
[...] Une seconde hypothèse postulerait au contraire que la caractérisation de l'intérêt général doit être effectuée de manière séparée de l'étude précise des clauses contractuelles pour en déduire le régime exorbitant de droit public. L'existence d'un intérêt général, en effet, ne résulte pas de clauses contractuelles. Il est vrai, en l'espèce, que la création de la station de sports d'hiver avait été déclarée par un préfet « d'utilité publique ». Mais l'on peut regretter que le Tribunal des conflits ne mette pas davantage en exergue cette notion d'intérêt légitime et qu'il demeure cité dans une formule générale, sans être explicité. [...]
[...] Avait en effet été prise en compte, en premier lieu, l'affectation à l'usage du public de l'immeuble litigieux. Or en l'espèce, cette affectation est évidente : c'est l'objet même de la cession que de mettre à disposition les immeubles et les pistes à l'usage des vacanciers. Le second critère tenait dans l'affectation de ces immeubles à un service public : à cet égard, le rapporteur public se réfère à la notion de « service public sportif », s'agissant d'une station de ski. [...]
[...] Et cette exception était déjà devenue le principe en matière de cession de biens immobiliers du domaine privé d'une commune. Il avait déjà été affirmé par le Tribunal des conflits que de tels contrats « relevaient par principe du juge judiciaire », dans un arrêt Commune de Bourisp c/Commune de Saint-Lary-Soulan, du 15 novembre 1999. L'arrêt ici commenté, en affirmant que le contrat conclu par les deux communes est en principe un contrat de droit privé, se place donc simplement sur la droite ligne de la jurisprudence antérieure. [...]
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