Le Tribunal des conflits joue un rôle de tribunal départiteur. Il est en quelque sorte le gardien de la séparation des autorités. Néanmoins, il accepte dans le cas unique de la voie de fait de soumettre l'action administrative aux juridictions civiles.
M. Boussadar, ressortissant marocain, après avoir commis diverses infractions a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Il commet alors le délit de refuser de prendre un avion à destination de son pays d'origine. En comparution immédiate, il fut condamné le 18 juin 1999 par le Tribunal correctionnel de Créteil (TGI) à 3 mois d'emprisonnement et 3 mois d'interdiction de territoire. Boussadar fut finalement reconduit dans son pays (Maroc). Mais le 21 juin 1999, le condamné avait interjeté appel du jugement.
La Cour d'appel de Paris, le 12 octobre 1999, statuant par défaut, a confirmé le jugement. Le condamné fit alors opposition. La Cour d'appel a décidé que son recours serait examiné en audience du 19 avril 2000. M. Boussadar a alors présenté au Consul général de France à Fès (Maroc) une demande de visa de court séjour afin de comparaître en personne, ce qui lui fut refusé. Le 10 avril 2000, M. Boussadar a donc assigné le ministre des Affaires étrangères (un recours hiérarchique ayant confirmé que la comparution en personne de l'intéressé n'était pas indispensable) devant le juge des référés du TGI de Paris afin de voir constater l'existence d'une voie de fait.
[...] Il y a fort à parier que, si cette possibilité était entrée en vigueur au moment où le refus de visa de court séjour a été opposé à M. Boussadar, celui-ci aurait porté sa réclamation devant le juge des référés administratif puisque précisément, la preuve du rattachement de la décision avec un des pouvoirs de l'administration aurait agi en sa faveur. Le nouveau pouvoir d'injonction confié au juge administratif depuis la loi du 8 février 1995 aurait alors permis au juge précité d'ordonner la délivrance du titre de séjour dans les plus brefs délais, permettant ainsi à M. [...]
[...] On pourrait croire, à première vue, que ce nouvel article est destiné à remplacer purement et simplement la création jurisprudentielle qu'était la voie de fait. En effet, eu égard aux buts poursuivis par cette notion, le référé-liberté allie la rapidité et l'efficacité requises pour des situations d'urgence. Néanmoins, cet article ne prend en compte que l'hypothèse où l'administration a agi dans l'exercice d'un de ses pouvoirs. À la lumière de cet élément, la disposition apparaît donc plus comme un complément nécessaire à la voie de fait, que comme sa remplaçante. [...]
[...] I Le rejet, par le Tribunal des conflits, de la caractérisation d'une voie de fait justifiant une dérogation au principe de la séparation des autorités Pour aboutir à la conclusion que la décision en cause ne saurait constituer une voie de fait, le juge départiteur commence par rappeler les deux cas uniques pouvant constituer un tel cas Il vérifie ensuite qu'en l'occurrence, les conditions posées sont bien remplies. Cet examen aboutit au rejet d'une voie de fait par manque de droit A Les deux variétés de voies de fait et la question, en l'espèce, de la voie de fait par manque de droit L'arrêt Boussadar de 2000 rappelle expressément, dans son deuxième considérant ce que recouvre la notion de voie de fait. [...]
[...] Si l'aspect politique de telles décisions demeure, le débat autour de la voie de fait touche peut-être à sa fin après l'adoption de lois visant à confier des pouvoirs étendus au juge administratif afin qu'il puisse statuer dans l'urgence. B La portée de la voie de fait remise en cause à terme ? Lorsque cet arrêt Boussadar du 23 novembre 2000 a été rendu, la loi du 30 juin 2000 avait déjà été adoptée. Mais elle n'est entrée en vigueur qu'au 1er janvier de l'année suivante. Cette loi marque un tournant en matière de séparation des autorités. [...]
[...] Il s'agit bien là d'un texte ayant valeur législative rattachant le refus de délivrance d'un visa à un étranger aux consulats de France à l'étranger. La première des deux conditions nécessaires à la caractérisation d'une voie de fait par manque de droit est donc rejetée en l'espèce. Conformément au raisonnement adopté en 1997, la juridiction paritaire considère dès lors que, peu importe l'éventuelle atteinte grave à la liberté d'aller et venir, la situation n'est pas constitutive d'une voie de fait. [...]
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