Tribunal des conflits, 17 juin 2013, Bergoend, implantation, ouvrage public, parcelle privée, titre d'occupation, contestation, maire, compétence, tribunal administratif, Cour d'appel de Chambéry, Cour de cassation, procédure d'implantation, ERDF Électricité Réseau et Distribution France, autorité judiciaire, juge administratif, voie de fait, pouvoirs du juge administratif, droit de propriété, liberté individuelle
La question qui se pose au Tribunal des conflits est, de manière habituelle, une question de compétence. Il s'agit en effet de déterminer la compétence des juridictions administratives ou judiciaires pour connaître de la contestation d'une implantation d'ouvrage public sur une parcelle privée sans titre d'occupation. Mais au-delà de ce problème spécifique, il s'agit surtout pour le Tribunal des conflits de se prononcer sur la définition même de la voie de fait, dans un contexte d'extension des pouvoirs du juge administratif.
[...] Par un acte du 24 août 2009, M. Bergoend assigne ERDF devant le tribunal de grande instance de Bonneville, demandant la démolition du poteau précisément en raison de l'absence de respect de la procédure d'implantation. Celui-ci se déclare incompétent et renvoie le requérant devant le juge administratif. M. Bergoend interjette appel devant la Cour d'appel de Chambéry, qui confirme la décision du Tribunal par un arrêt du 6 octobre 2011. M. Bergoend se pourvoit en cassation, toujours avec le même moyen. [...]
[...] Ces formulations se retrouvaient ainsi dans la décision précitée de 2000. Le maintien de cette double exigence révèle en réalité la volonté de restreindre la voie de fait en raison de l'évolution des pouvoirs du juge administratif. En effet, la loi du 30 juin 2000 ayant instauré la procédure d'urgence des référés permet aux juridictions administratives de répondre rapidement aux atteintes. Ne restent alors aux juridictions judiciaires que les deux éléments pour lesquels leur compétence est constitutionnelle, c'est-à-dire la sauvegarde du droit de propriété, protégé à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, et la liberté individuelle protégée à l'article 66 de la Constitution. [...]
[...] Par exemple, un transfert de propriété à une personne publique constitue évidemment une extinction du droit de propriété. Il en va de même de la destruction d'un bien, même fongible. En revanche, la construction, même sans titre, d'un poteau sur une parcelle, ne fait pas disparaître le droit de propriété du sol. M. Bergoend perd au plus le fructus et l'usus, mais il ne perd en rien l'abusus : le sol lui appartient encore et il peut le céder. Partant, en l'absence d'extinction du droit de propriété, la juridiction administrative est compétente. [...]
[...] La substitution de la liberté fondamentale à la liberté individuelle est de même d'apparence peu importante, mais constitue ici aussi un net recul des possibilités de voie de fait. En effet, les libertés fondamentales désignent, une large série de droits fondamentaux que la jurisprudence du Conseil d'État s'est attachée à délimiter et qui concerne par ailleurs des éléments susceptibles de motiver un référé-liberté, prévu à l'article L.521-2 du Code de justice administrative. À l'inverse, la liberté individuelle est celle de l'article 66 de la Constitution, qui n'appartient qu'au juge judiciaire de protéger, et qui désigne le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement. [...]
[...] Tribunal des conflits juin 2013, Bergoend, n° C3911 - Contestation d'une implantation d'ouvrage public sur une parcelle privée sans titre d'occupation « La voie de fait mise au régime sec » pouvait titrer à l'AJDA de 2013 (A. Bretonneau et X. Domino suite à la décision Bergoend du Tribunal des conflits de 2013). L'on aurait aussi pu parler de requiem pour la « folle du logis », pour reprendre l'expression imagée de R. Chapus. Toujours est-il que cette décision marque un coup d'arrêt pour la voie de fait qui, sans la supprimer, recentre largement son régime. [...]
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