Le Tribunal des Conflits a rendu les arrêts du 16 novembre 1964, Sieur Clément, et du 12 mai 1997, Préfet de Police de Paris. Ces deux arrêts précités posent le problème de savoir dans quelles conditions le juge judiciaire peut se fonder sur la théorie de la voie de fait pour invoquer sa compétence dans le règlement du litige en cause, et ce, dans le contentieux administratif et au détriment de la juridiction administrative.
En effet, dans la première espèce, le Sieur Clément a engagé contre l'Etat, devant le Tribunal de Grande Instance d'Agen, une action en réparation du dommage que lui aurait causé des internements, qu'il estimerait arbitraires et de nature à caractériser l'existence de voie de fait, que des arrêtés du ministre de l'Intérieur, en date des 13 février 1962 et 5 mai 1962, prescrivaient en ordonnant son « assignation à résidence au centre de séjour surveillé de Saint-Maurice l'Ardoise » puis dans un « centre hospitalier ».
Ensuite, dans la seconde espèce, MM. Ben Salem et Taznaret, de nationalité marocaine, qui à l'occasion de l'escale du navire, dont ils étaient les passagers, dans un port français ont reçu une décision de refus d'entrée sur le territoire national par l'autorité administrative française, qu'ils ont contesté, conjointement avec l'entreprise de transport maritime exploitant le navire, devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris, cette décision de « consignation » à bord et demandé qu'il soit fait injonction à l'autorité administrative de les laisser débarquer dans la zone d'attente instituée par l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que le juge des référés estimant qu'une voie de fait avait été commise, a rejeté le déclinatoire de compétence déposé par le Préfet de Police de Paris.
[...] Tribunal des Conflits novembre 1964 et 12 mai 1997 - les critères de reconnaissance de la théorie de la voie de fait Le principe de séparation des autorités comporte un risque inévitable du conflit de compétence en raison de l'existence de deux ordres de juridiction. Dans l'ancien système de l'administrateur-juge, il appartenait au chef de l'Etat de régler ces conflits de compétence. Quand la juridiction administrative est devenue autonome, il fut décidé de créer une instance spécialisée, ce que fi la Constitution du 4 novembre 1848 République) dont l'article 89 avait prévu la création d'un tribunal spécial des conflits d'attribution. [...]
[...] Concernant l'arrêt du 16 novembre 1964, le sieur Clément conteste la prérogative du ministre de l'intérieur de pouvoir prendre des mesures restrictives de la liberté individuelle à l'encontre d'un individu tendant à une assignation à résidence et à un internement, selon lui, cette prérogative est constitutive d'une voie de fait car elle est arbitraire, et justifie donc la compétence du juge judiciaire. Cependant, le Tribunal des conflits conclura que les décisions prises à l'encontre du sieur Clément, quels que soient les vices dont elles pouvaient être entachées, ne sauraient constituer une voie de fait ; que leur exécution n'a pas présenté non plus un tel caractère En cette espèce du sieur Clément, le ministre de l'Intérieur tenant ses prérogatives, et donc son pouvoir décisionnel en la matière des décisions du 24 avril 1961 et du 29 septembre 1961 du Président de la République, décisions prises en tant qu'autorité administrative et qui dépendent alors de l'interprétation du juge administratif et non judiciaire. [...]
[...] C'est en effet ce que décidera le Tribunal des conflits, le litige soumis au Tribunal de grande instance d'Agen et qui relève au fond de sa compétence, soulève une question préjudicielle d'appréciation de la légalité de ces arrêtés dont il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître Le Tribunal des conflits, dans l'arrêt du 12 mai 1997 posant la question de la possibilité pour le juge civil des référés d'enjoindre à l'administration de mettre fin à l'atteinte de la liberté individuelle, retient avec fermeté que les dispositions de l'article 136 du code de procédure pénale ne sauraient être interprétées comme autorisant les tribunaux judiciaires à faire obstacle à l'exécution des décisions prises par l'administration en dehors des cas de voie de fait En effet, dans cette espèce, le juge civil des référés en prononçant l'injonction de la décision administrative, ce qui consisterait à lui retirer sa force obligatoire, reviendrait en comme à annuler ou réformer les décisions prises par elle dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique Ainsi, le juge civil des référées ne peut s'immiscer dans les compétences de l'autorité administrative, tout d'abord au regard du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, et ensuite parce qu'il encourt la nullité de ces actes tel que le fait le Tribunal des conflits en disposant dans son arrêté de conflit que la procédure engagée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris et ordonnance qu'il a rendu le 9 août 1986 déclarées nulles et non avenues Le juge judiciaire doit alors se cantonner à une interprétation stricte des termes de l'article 136 du code de procédure pénale, et ne peut donc voir sa compétence jouer que lorsqu'une voie de fait est invoquée. Cependant, il est connu que le juge judiciaire, dans le but de connaître de litiges, invoque des voies de fait à tout va Ainsi, le tribunal des conflits a aussi pour rôle de cadrer la théorie de la voie de fait pour préserver le domaine de compétence du juge administratif. II. [...]
[...] Cette dérogation est rappelée par le Tribunal des Conflits dans ses arrêtés du 18 novembre 1964 et du 12 mai 1997 par la formule cette disposition déroge au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III Le Tribunal des Conflits souhaite ainsi appuyer sur le fait que la compétence que le juge judiciaire revendique est alors exceptionnelle et doit remplir certaines conditions, mais surtout que le juge judiciaire doit respecter l'un des principes fondateurs du droit pénal qui est l'interprétation stricte de la loi. [...]
[...] Mais, le problème est que toute illégalité commise par l'administration n'est pas pour autant constitutive d'une voie de fait, comme cela est le cas dans les arrêts du 16 novembre 1964 et du 12 mai 1997 du Tribunal des conflits. Ce dernier estime que la compétence du juge judiciaire, en cas de voie de fait, doit se fonder sur une atteinte grave à une liberté individuelle (A.). A l'inverse, la compétence du juge administratif peut être reconnue même en présence d'un pouvoir d'exécution forcée (B.). [...]
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