Tribunal des conflits, 15 mars 2010, litige, personne publique, particulier, commune de Vallon-en-Sully, compétence de la juridiction administrative, qualification du contrat administratif, administrativité d'un contrat, critère du service public, clauses exorbitantes, commentaire d'arrêt
En l'espèce, la commune de Vallon-en-Sully a signé le 15 mars 2000 un contrat avec Mr D. pour l'exploitation d'un restaurant-bar appartenant à la commune et destiné notamment aux clients du camping municipal. Par la suite, la commune a fermé le local occupé et exploité par son co-contractant.
Le litige concernant la réparation du préjudice causé par cette fermeture au restaurateur est porté devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui se déclare incompétent par un jugement du 30 novembre 2005. Le restaurateur saisit alors le tribunal de grande instance de Montluçon qui se déclare de même incompétent par un jugement du 10 juillet 2009. Le tribunal de grande instance renvoie alors au tribunal des conflits le soin de déterminer l'ordre de juridiction compétent. La commune soutient qu'au vu des clauses exorbitantes du droit commun contenues dans le contrat, à la participation du restaurateur à l'exécution d'un service public et qu'il porte occupation du domaine public ; que le jugement par lequel le tribunal administratif s'est déclaré incompétent doit être annulé. Le restaurateur soutient que la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de ce litige.
[...] L'éventail de possibilités pour le Tribunal des conflits pour qualifier ce contrat était donc large, mais le choix de s'appuyer uniquement sur le critère du contrôle exorbitant montre la volonté de mettre en avant ce critère. Cependant, ce constat doit être nuancé puisque la tendance générale de la jurisprudence retient plutôt le critère du service public comme critère matériel principal et emblématique du droit administratif. Cet arrêt peut donc être vu comme un rappel de l'existence du critère alternatif des clauses exorbitantes, et de son importance. [...]
[...] De ce fait, le Tribunal des conflits ne prend pas la peine de rechercher si d'autres critères matériels sont remplis. Pourtant, le critère du service public, dégagé notamment par la jurisprudence Époux Bertin, Conseil d'État 20 avril 1956, a été le premier à être et semblait être le critère matériel principal et dominant. De même, le Tribunal des conflits ne recherche pas non plus si l'immeuble loué au restaurateur cocontractant appartenait au domaine public de la commune ; alors que la constatation d'une telle appartenance aurait suffi à qualifier le contrat d'administratif. [...]
[...] En effet, la liberté d'entreprendre est garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et reconnue comme ayant une valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel dans sa décision de 1982, Loi de nationalisation. La France étant un pays d'économie libérale et non dirigée, la liberté d'entreprendre, la liberté d'installation et d'initiative doivent être protégées, notamment par le juge administratif ; afin que les contrats administratifs ne soient pas des « réquisitions consenties » comme l'avait exprimé Maurice Hauriou, mais bien des contrats basés sur le consensualisme et la liberté contractuelle. [...]
[...] C'est ici le pouvoir de contrôle de l'administration, qui a été constaté par le Tribunal des conflits et qui remplit selon lui le critère matériel nécessaire à la qualification d'un contrat administratif. Un contrat ne peut être qualifié d'administratif que s'il remplit un critère organique, qui n'est pas l'objet du débat dans ce litige puisqu'une des parties au contrat est une commune donc une personne publique, et un critère matériel tenant au contenu du contrat qui est l'objet de controverses. [...]
[...] Dans cet arrêt, le juge du Tribunal des conflits a utilisé un faisceau d'indices, en s'arrêtant sur deux éléments (la communication du bilan comptable et la nécessité d'une autorisation de l'administration pour la mise en place de matériels et d'installations) déterminant selon lui un contrôle exorbitant au droit commun. Mais cette appréciation est très difficile à prévoir par les parties, ce qui est susceptible d'entraîner une certaine insécurité juridique dans les relations contractuelles. En effet, le Conseil d'État a statué dans le même sens que le Tribunal des conflits dans un arrêt Société du Vélodrome du Parc des princes du 26 février 1965, en considérant que le contrôle financier par l'administration et l'exigence d'opérations spéciales pour certaines activités avaient un caractère exorbitant au droit commun, cependant dans une décision du 26 janvier 1951 SA minière le Conseil d'État a jugé que circonstance que le centre de conditionnement où la société requérante exécutait ses travaux était placé sous le contrôle de l'administration des eaux et forêts n'imprime pas au contrat un caractère administratif » (source : AJDA, le contrôle dérogatoire au droit commun, Jean-David Dreyfus). [...]
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