L'arrêt qui nous est soumis émane du Tribunal des conflits, il a été rendu le 12 juin 1978. En l'espèce, le 8 décembre 1972 à Melun, alors qu'un des préposés de la société Le profil sortait de la banque après avoir retiré la somme de 274 051,90 francs en vue de les transporter dans les locaux de la société, des malfaiteurs se sont emparés de cet argent sous la menace de leurs armes.
Étant donné que des services de police étaient chargés d'assurer la sécurité du transfert de fonds, la dite société à demander au ministre de l'Intérieur de lui accorder une indemnité de 274 051,90 francs en réparation du préjudice qui lui a été causé du fait des fautes lourdes commises par ces services de police et qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'État, car d'une part, ils n'ont pas mis en place un dispositif de protection adéquate, et d'autre part, ils n'ont pas fait obstacle aux agissements des malfaiteurs. Le ministre de l'Intérieur ayant rejeté cette demande, la société Le profil a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du ministre.
Par un jugement du 14 janvier 1976, le tribunal rejeta la demande de la société, c'est pourquoi cette dernière formula un appel devant le Conseil d'État, celui a néanmoins demandé, en application de l'article 35 du décret 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960, au Tribunal des conflits de déterminer la juridiction compétente pour connaître du litige par une décision du 10 mars 1978.
Ainsi, la question posée au Tribunal des conflits est la suivante : comment déterminer la juridiction compétente pour connaître d'une action en responsabilité exercée contre l'État en vue d'obtenir la réparation d'un dommage intervenu à l'occasion d'une opération de police « évolutive »? C'est-à-dire une opération de police administrative se transformant en opération de police judiciaire et inversement.
[...] Alors que la police le poursuivait il franchit plusieurs feux rouges, emprunta une voie en sens interdit et fonça sur un agent qui tentait de l'arrêter. Un officier de police ouvrit finalement le feu en blessant Mademoiselle Motsch que le conducteur de la voiture avait prise en auto-stop, celle-ci attaqua l'Etat pour obtenir réparation de ses préjudices. Or en l'espèce le Tribunal des conflits, suivant les conclusions du commissaire du gouvernement Monsieur Morisot, n'avait pas dégagé une méthode permettant de déterminer dans toutes les hypothèses d'opération de police à caractère évolutif le juge compétent en cas de litige. [...]
[...] La définition légale et doctrinale des polices : un critère insuffisant par nature Au terme de l'article 14 du Code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte C'est en partie sur la base de cet article que les auteurs définissent généralement la police judiciaire comme celle ayant pour objet de rechercher et de constater les infractions pénales afin de punir leur auteur. A l'opposé, la police administrative est souvent définie comme l'activité dont le but est de prévenir et donc d'empêcher les troubles ou les atteintes à l'ordre public sous toutes ses formes. Ainsi, le critère légal et doctrinal classique de distinction entre police administrative et police judiciaire repose sur le caractère préventif de l'opération de police. [...]
[...] Dutheillet de Lamothe et Y. Robineau, ils font part de réserves vis-à-vis de cette formule. Ces auteurs estiment en effet qu'à la limite, tous les dommages causés par des infractions peuvent être imputés à une mauvaise organisation des activités de prévention, ainsi une application extensive de cette conception pourrait conduire à étendre exagérément la notion de police administrative à tous les cas de carence (voir Ville de Paris contre Marabout octobre 1972, Conseil d'Etat assemblée) ; toutefois comme le précisent immédiatement ces auteurs ce risque est minime étant donné que l'application de la jurisprudence Le Profil demeure limitée au cas dans lesquelles survient un doute sur l'origine du dommage : ce préjudice provient-il d'une opération de police administrative ou une opération de police judiciaire? [...]
[...] La distinction prétorienne des polices : un critère insuffisant à l'espèce Au regard de l'insuffisance du critère préventif ou répressif pour qualifier une opération de police, les juges ont été contraints de dégager un autre critère de distinction entre police administrative et police judiciaire, celui-ci fut élaboré à partir de deux jurisprudences : Consorts Baud mai 1951, Conseil d'Etat et Noualek juin 1951, Tribunal des conflits. Selon ceux-ci, il faut rechercher l'intention des auteurs de la mesure de police, c'est donc un critère finaliste qui est retenu par le juge. Le mécanisme de qualification est le suivant : si l'opération ou la décision de police est en relation avec une infraction pénale identifiée, elle est de nature judiciaire, si ce n'est pas le cas, elle est de nature administrative. Or en l'espèce, comme le souligne O. [...]
[...] Dutheillet de Lamothe et Y. Robineau l'application de ces critères habituels conduisait encore une fois à partager l'affaire entre les deux ordres de juridiction. En effet, l'opération de police comportait deux phases avec pour chacune d'elle une faute à la charge du service de police : avant l'agression, il s'agissait d'une opération de police administrative puisque les membres de l'escorte avaient l'intention d'empêcher tout vol au cours du transfert de fonds (or selon le requérant son préjudice résulte d'une mauvaise organisation du service de protection) ; et après l'agression, il s'agissait d'une opération de police judiciaire dans la mesure où les policiers voulaient s'emparer des malfaiteurs (or selon le requérant son préjudice résulte aussi du comportement des agents de police qui n'ont pas fait obstacle aux agissements des malfaiteurs). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture