L'arrêt qui est soumis à notre analyse émane du Tribunal des conflits. Il a été rendu le 12 juin 1978. En l'espèce, le 8 décembre 1972 à Melun, alors qu'un des préposés de la société "Le profil" sortait de la banque après avoir retiré la somme de 274 051,90 francs en vue de les transporter dans les locaux de la société, des malfaiteurs se sont emparés de cet argent sous la menace de leurs armes.
Étant donné que des services de police étaient chargés d'assurer la sécurité du transfert de fonds, ladite société a demandé au ministre de l'Intérieur de lui accorder une indemnité de 274 051,90 francs en réparation du préjudice qui lui a été causé du fait des fautes lourdes commises par ces services de police et qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'État, car d'une part, ils n'ont pas mis en place un dispositif de protection adéquate, et d'autre part, ils n'ont pas fait obstacle aux agissements des malfaiteurs.
Comment déterminer la juridiction compétente pour connaître d'une action en responsabilité exercée contre l'État en vue d'obtenir la réparation d'un dommage intervenu à l'occasion d'une opération de police « évolutive »? C'est-à-dire une opération de police administrative se transformant en opération de police judiciaire et inversement.
[...] En effet, le Tribunal des conflits a précisé en l'espèce que le préjudice allégué, intervenu au cours d'une opération tendant à assurer la protection des personnes et des biens, trouve essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été organisée cette mission de protection ; qu'une telle mission relève de la police administrative ; que les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles circonstances relèvent de la compétence de la juridiction administrative Ainsi le critère retenu par la juridiction mixte est fondé sur la cause essentielle du dommage. Certes le considérant ne paraît pas consacrer un critère prétorien consacré à la détermination de la juridiction compétente en cas de dommage résultant d'une opération de police évolutive puisqu'il fait référence à des faits de l'espèce, néanmoins, ce critère est encore utilisé aujourd'hui dans ce but. [...]
[...] Toutefois, en l'espèce, il n'est pas satisfaisant pour déterminer la juridiction compétente étant donné qu'il oblige le justiciable à mener deux actions en justice devant des ordres juridictionnels différents pour les mêmes faits et contre la même personne. C'est pourquoi, devant le nombre important d'opérations de police évolutives en pratique le Tribunal des conflits a dû intervenir pour unifier la jurisprudence en cette matière afin de fixer une règle permettant de déterminer la juridiction compétente dans de telles situations. L'inéluctable présence d'opération de police évolutive Les opérations de police dite évolutives sont inévitables en pratique, il s'agit d'opération de police qui change de nature, ainsi, il peut s'agir soit d'une opération de police administrative qui se transforme en opération de police judiciaire, soit d'une opération de police de nature judiciaire qui devient de nature administrative. [...]
[...] Robineau, ils font part de réserves vis-à-vis de cette formule. Ces auteurs estiment en effet qu'à la limite, tous les dommages causés par des infractions peuvent être imputés à une mauvaise organisation des activités de prévention, ainsi une application extensive de cette conception pourrait conduire à étendre exagérément la notion de police administrative à tous les cas de carence (voir Ville de Paris contre Marabout octobre 1972, Conseil d'Etat assemblée) ; toutefois comme le précise immédiatement ces auteurs ce risque est minime étant donné que l'application de la jurisprudence Le Profil demeure limitée au cas dans lesquelles survient un doute sur l'origine du dommage : ce préjudice provient-il d'une opération de police administrative ou une opération de police judiciaire? [...]
[...] En effet, celui-ci distingue dans un premier temps les phases successives des agents de police, en réalité, il en distingue trois différentes, et c'est cette troisième phase qui permet au commissaire du gouvernement d'assurer une unité de l'action intentée contre l'Etat par la société Le Profil. En effet, selon lui, il y a d'abord une première phase qui se déroule avant l'agression où les forces de l'ordre effectuent une opération de police administrative (confère supra) ; puis une deuxième phase (c'est la phase qui permet à Monsieur Morisot de trancher le litige) qui dure peu de temps et durant laquelle se déroule l'agression, selon lui le rôle des agents publics est alors mixte (c'est pour cela que je fais mention d'opération de police évolutive et non d'opération mixte car cette dernière renvoie à une autre réalité) : en tant que les policiers tentent de s'opposer par la force à la prise du butin et de l'arracher des mains de l'agresseur, ils exercent leur mission de protection des fonds ; en tant qu'ils tentent d'appréhender sur le champ des voleurs, ils agissent comme agent de police judiciaire ; enfin une troisième phase qui débute une fois que les malfaiteurs se sont enfuis et les policiers cherchent à les appréhender, ils accomplissent alors une mission de police judiciaire. [...]
[...] La distinction prétorienne des polices : un critère insuffisant à l'espèce Au regard de l'insuffisance du critère préventif ou répressif pour qualifier une opération de police, les juges ont été contraints de dégager un autre critère de distinction entre police administrative et police judiciaire, celui-ci fut élaboré à partir de deux jurisprudences : Consorts Baud mai 1951, Conseil d'Etat et Noualek juin 1951, Tribunal des conflits. Selon ceux-ci, il faut rechercher l'intention des auteurs de la mesure de police, c'est donc un critère finaliste qui est retenu par le juge. Le mécanisme de qualification est le suivant : si l'opération ou la décision de police est en relation avec une infraction pénale identifiée, elle est de nature judiciaire, si ce n'est pas le cas, elle est de nature administrative. Or en l'espèce, comme le souligne O. [...]
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