Arrêt du 12 février 2018, liberté d'aller et venir, liberté individuelle, compétence du juge administratif, compétence du juge judiciaire, article 66 de la Constitution, voie de fait, décision Bergoend, lois des 16 et 24 août 1790, police administrative, arrêt Action française, liberté individuelle des suspects
En l'espèce, un étranger d'origine sénégalaise arrive à l'aéroport de Charles de Gaulle le 6 janvier 2001 pour se rediriger vers Milan, en possession d'un titre de séjour et d'une carte d'identité italienne. Les agents de police l'ont gardé 48h en zone d'attente et lui ont confisqué ses documents d'identité, suite à une décision du ministre de l'Intérieur, qui le soupçonnait de fraude. Après l'annulation de cette décision par la Cour administrative d'appel de Versailles, le ressortissant assigne l'État devant le tribunal administratif de Paris afin qu'il soit condamné à lui verser une indemnité des préjudices subis à cause des illégalités commises par les autorités françaises. Le 31 décembre 2012, la Cour administrative de Paris infirme la décision de première instance du 5 novembre 2010 qui avait fait droit à la demande du requérant, estimant qu'en confisquant les documents d'identité de l'intéressé, l'administration avait commis une voie de fait dont les conséquences relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. L'intéressé saisit donc le tribunal de grande instance de Paris d'une demande de condamnation de l'Agent judiciaire de l'État, mais le juge de la mise en état du tribunal se reconnaît incompétent et renvoie ce litige devant le Tribunal des conflits.
[...] En tout état de cause, le Tribunal des conflits semble donner une définition de plus en plus restrictive de la notion, s'alignant ainsi avec ses décisions antérieures, mais aussi avec celles d'autres juridictions comme le Conseil constitutionnel. Cela a pour conséquence directe une altération de la compétence du juge judiciaire en matière de liberté individuelle, telle qu'elles sont prévues à l'article 66 de la Constitution. B. Une décision limitant la compétence du juge judiciaire L'article 66 de la Constitution dispose que "Nul ne peut être arbitrairement détenu. [...]
[...] Une atteinte à la liberté d'aller et venir résultant de la confiscation de documents d'identité d'une personne par les autorités de police constitue-t-elle une voie de fait, entraînant l'incompétence du juge administratif ? Quelle juridiction est compétente pour connaître de ce litige ? Dans un arrêt du 12 février 2018, le Tribunal des conflits refuse de caractériser une voie de fait en l'espèce, considérant bien que la police des frontières ait porté atteinte à la liberté d'aller et venir en retenant des papiers d'identité, cette liberté n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle, ne constituant donc pas une voie de fait. [...]
[...] Ils reconnaissent que la police des frontières a porté atteinte à la liberté d'aller et venir du ressortissant étranger car la rétention de ses documents d'identité était au-delà du temps strictement nécessaire pour contrôler une identité, et donc illégale. Pour autant, le tribunal ne reconnaît pas cette liberté comme étant une liberté individuelle. Cette solution confirme une décision du 16 juin 1999 dans laquelle le Conseil constitutionnel a distingué la liberté d'aller et venir de la liberté individuelle, rompant par conséquent un lien traditionnellement existant entre les deux. [...]
[...] Toutefois, le Tribunal des conflits est récemment revenu sur cette définition posée par lui-même en 1935. Dans sa décision Bergoend du 17 juin 2013, il affirme que désormais, il est possible de qualifier la voie de fait, et de transférer le litige aux juridiction judiciaires, lorsqu'une action de l'administration cause une atteinte manifestement excessive à une liberté individuelle ou entraîne une extinction totale du droit de propriété, c'est-à-dire une dépossession de ce droit. Cela tend à sauvegarder une partie de la compétence de la juridiction administrative, mais vient en revanche diminuer le champ d'application de la voie de fait. [...]
[...] ] n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, de sorte qu'une telle atteinte n'est pas susceptible de caractériser une voie de fait". En d'autres termes, le Tribunal des conflits ajoute une condition supplémentaire à la constitution de la voie de fait en opérant une distinction entre liberté individuelle et liberté fondamentale. Cela diminue donc la compétence du juge judiciaire en matière de litige concernant la voie de fait, et montre qu'il est nécessaire de rechercher si la liberté en question est une liberté fondamentale ou individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution. [...]
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