Tribunal administratif de Rouen, 2e chambre, 18 juillet 2022, n° 2001239 - Les carences des services publics dans l'édiction de mesures de surveillances judiciaires et de contrôle d'identité conduisent-elles à engager la responsabilité de l'État devant les juridictions administratives ?

Extraits

[...] En effet, bien que l'ordre administratif détienne de plus en plus de prérogatives en matière pénitentiaire, il n'en reste pas moins le juge du fonctionnement du service public. En effet, le but essentiel de l'action administrative se rattache à la compétence en matière de mesures détachables de l'exécution d'une peine. Alors même que la juridiction administrative semble compétente dans l'affectation d'un détenu dans un établissement pénitentiaire (CES 1967 Sieurs il semble adéquat qu'elle le soit également pour le placement d'un étranger en rétention durant l'attente de son éloignement. [...]

[...] Tribunal administratif de Rouen, 2e chambre, 18 juillet 2022, 2001239 - Les carences des services publics dans l'édiction de mesures de surveillances judiciaires et de contrôle d'identité conduisent-elles à engager la responsabilité de l'État devant les juridictions administratives ? Le jugement rendu le 18 juillet 2022 par le tribunal administratif de Rouen est relatif à la détermination des causes de responsabilité et de leur ordre de juridiction compétente. En l'espèce, deux victimes sont assassinées le 20 décembre 2015 par un individu étranger en situation irrégulière. [...]

[...] En effet, par la décision Conseil de la Concurrence rendue en 1987, le Conseil constitutionnel donne à l'autorité judiciaire le rôle de gardienne de la liberté individuelle sur le fondement de l'article 66 de la Constitution. De ce principe découle ainsi l'incompétence du juge administratif en matière de mesures pouvant porter atteinte à la liberté individuelle. Or, en l'espèce, il n'est donc pas contestable que le juge administratif saisi du litige rappelle que les mesures de surveillance judiciaire relèvent de la compétence de l'ordre judiciaire, car ces mesures par nature sont constitutives d'atteintes à la liberté individuelle. [...]

[...] Il retrace ainsi de manière très précise toutes les démarches mises en place qui ont malgré tout conduit à une non-exécution de la mesure d'éloignement pour déterminer si justement cette issue est due à une carence de l'administration. La retenue du caractère tenace et temporellement utile de l'action des services préfectoraux permet de faire découler une décision Dehaene rendue par le Conseil d'État en 1950 dans laquelle il retient que l'administration est responsable du bon fonctionnement des services publics . De ce bon fonctionnement découlent plusieurs principes inhérents à l'action de l'administration, notamment le principe de continuité et de mutabilité. [...]

[...] Il convient ainsi de rappeler l'arrêt Société Athis rendu par le Conseil d'État en 2001 qui précise les critères qui permettent de déterminer si une mesure de police est de nature administrative. En l'espèce donc, le juge retient que l'assignation à résidence n'aurait pas pu empêcher le crime, donc qu'il n'appartenait pas à l'administration de prendre une telle mesure. C'est par ce raisonnement qui se fonde sur une bonne collaboration entre les deux ordres de compétences que le juge saisi du litige rejette les conclusions indemnitaires. [...]