Depuis la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat peut être saisi par un tribunal administratif ou une Cour administrative d'appel d'une « question de droit nouvelle », à la condition qu'elle soulève une difficulté sérieuse dans de nombreux litiges. Si ces conditions sont remplies, il rend un avis (instruit par une sous section contentieuse) qui n'ayant ni la valeur ni la portée d'une décision juridictionnelle, ne lie pas la juridiction qui l'a demandé.
En l'espèce, le problème soumis au Conseil d'Etat concerne la conformité d'une loi modificative de validation aux dispositions internationales.
Le paragraphe I de l'article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004, loi de finances rectificative pour 2004, étend aux fonctionnaires masculins la possibilité, dont bénéficiaient jusqu'à lors uniquement les fonctionnaires féminins, d'obtenir la mise en paiement immédiate d'une pension dès lors qu'ils ont effectué 15 années de services et sont parents de trois enfants. Ce texte subordonne ce départ anticipé à une condition d'interruption d'activité (cette interruption d'activité doit en l'occurrence avoir eu une durée continue de deux mois et avoir donné lieu à un certain type de congés). Le paragraphe II de l'article 136 prévoit cependant que les dispositions du I sont applicables aux demandes présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée. Ce paragraphe impose donc aux fonctionnaires ayant déjà formé une demande de pension de remplir des conditions qui n'était pas exigées lorsqu'ils ont formé leur demande.
La question se pose alors de savoir comment le Conseil d'Etat, va apprécier la conformité de ces nouvelles dispositions législatives avec les dispositions internationales, notamment avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?
En l'espèce, le Conseil d'Etat estime que l'application de ces nouvelles dispositions aux intéressés qui ont présenté une demande de mise à la retraite avant la date de publication de la loi méconnaît les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il considère également qu'il est contraire au paragraphe 1 de l'article 6 de cette même convention de rendre applicable ces dispositions aux fonctionnaires qui ont formé, avant le 12 mai 2005, un recours contentieux contre une décision refusant de les admettre à la retraite.
Il sera intéressant de voir la notion de loi modificative de validation avant de se pencher sur les contrôles dont cette technique est susceptible de faire l'objet.
[...] Le contrôle des validations législatives A. La position du Conseil d'Etat Mise en balance de l'intérêt général et de l'atteinte, portée par des dispositions rétroactives, au droit à un procès équitable à l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'homme. Grâce à son contrôle de conventionalité de la loi (depuis 1989, Nicolo), le Conseil d'Etat peut vérifier a posteriori que le législateur, en prenant une loi modificative de validation, n'a pas outrepasser son pouvoir. Les garanties posées par la Convention européenne lui permettent ainsi de sanctionner tout abus de sa part. [...]
[...] Cette incompatibilité ne peut cependant pas être invoquée par tout le monde. Le Conseil d'Etat vérifie ainsi que l'atteinte portée aux droits détenus par les administrés n'est pas totalement disproportionnée par rapport aux motifs d'intérêt général la justifiant. B. Une reprise de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme Le Conseil d'Etat consacre par cette décision la position de la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui elle aussi sanctionne la technique des validations législatives sur le terrain de l'article 6 1 de la Convention. [...]
[...] Par ailleurs, il est injuste d'imposer aux fonctionnaires de nouvelles conditions à l'attribution de leur pension, alors qu'ils pensaient jusque là être dans leur droit. Le législateur retire rétroactivement aux fonctionnaires un droit dont ils pensaient être titulaires. C'est pour cette raison que les juridictions, aussi bien le Conseil d'Etat que le Conseil Constitutionnel (qui contrôle depuis 1980, dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité, l'utilisation et le bien fondé de ces lois de validation) ou encore la CJCE encadrent et contrôlent très strictement ce procédé. [...]
[...] Le recours pour excès de pouvoir : effets et efficacité: Conseil d'Etat mai 2005, Provin Depuis la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat peut être saisi par un tribunal administratif ou une Cour administrative d'appel d'une question de droit nouvelle à la condition qu'elle soulève une difficulté sérieuse dans de nombreux litiges. Si ces conditions sont remplies, il rend un avis (instruit par une sous section contentieuse) qui n'ayant ni la valeur ni la portée d'une décision juridictionnelle, ne lie pas la juridiction qui l'a demandé. [...]
[...] I La notion de loi modificative de validation A. Définition En prenant une loi modificative de validation, le législateur ne se borne plus à préciser le sens d'un texte antérieur, comme dans le cas de la loi interprétative de portée rétroactive. Il édicte des dispositions nouvelles qui ajoutent au texte existant, en modifiant ses conditions d'application ou même son domaine, et qui sont destinées à régler une situation d'une manière totalement différente de celle qu'impliquait le texte primitif. Leur portée est rétroactive. [...]
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