À quoi tient l'ordre public ? Une conception restrictive le définit comme la tranquillité, la sécurité et la salubrité. Cependant, l'évolution de cette notion conduit à des interprétations extensives de la jurisprudence. L'ordre public est alors fonction de composantes sanitaires, morales, du respect de la dignité humaine…
Une association caritative « Solidarité des Français » distribue des repas à des sans domicile fixe sur la voie publique. Le préfet interdit cette manifestation par un arrêté du 28 décembre 2006 au motif que la distribution est discriminatoire donc qu'elle porte atteinte au respect de la dignité humaine et que, par conséquent, elle risque d'entraîner des troubles de l'ordre public. En effet, si l'association déclare ne jamais refuser de servir un repas, elle propose cependant exclusivement des soupes à base de porc qui ne conviennent ni aux musulmans, ni aux juifs et annonce de façon manifeste cette intention sur un site internet. L'association engage alors un recours en annulation de l'arrêté au motif qu'il porte atteinte à une liberté fondamentale. Elle s'adresse pour ce faire au juge des référés au moyen d'un référé-liberté, c'est-à-dire dans le cadre d'une procédure d'urgence pour laquelle le juge est juge unique et dispose d'un large pouvoir d'injonction de mesures provisoires si des conditions sont réunies : une situation d'urgence et une atteinte à une liberté fondamentale grave et manifestement illégale.
Une ordonnance du 2 janvier 2007 suspend effectivement l'interdiction de l'arrêté en reconnaissant l'atteinte à la liberté fondamentale de manifestation malgré le caractère discriminatoire de la distribution. Un recours est alors formé par la ministre de l'Intérieur auprès du Conseil d'État contre cette ordonnance au motif que celle-ci est fondée sur des motifs contradictoires. Dans quelle mesure une atteinte au respect de la dignité humaine suffit-elle à constituer une menace pour l'ordre public et donc justifie-t-elle une restriction des libertés fondamentales ? Le Conseil d'État a annulé l'ordonnance en considérant, en l'espèce, que l'atteinte au respect de la dignité humaine par la distribution discriminatoire de repas rendait légale la restriction de la liberté fondamentale de manifestation. L'arrêté était donc licite.
La discrimination, atteinte à la dignité de la personne, justifie l'atteinte à la liberté fondamentale de manifester (I). En statuant ainsi, le Conseil d'État tend à une conception extensive de la notion de respect de la personne humaine (II).
[...] Il conçoit donc une interprétation encore plus large de ce critère en considérant comme évident le lien entre discrimination et désordre public. B. écueils de ce critère En l'espèce, un critère matériel est apparemment utilisé puisque la discrimination n'est pas interdite en elle-même, pour des raisons morales, mais en raison du risque de réactions et une susceptibilité de causer des troubles de l'ordre public. En l'occurrence, aucun trouble n'a eu lieu, aucune association, par exemple de musulmans, n'a même porté plainte. [...]
[...] Le juge des référés n'avait donc pas pu justifier l'atteinte à la liberté fondamentale causée par l'arrêté du Préfet de Paris. Au contraire, en reconnaissant l'aspect contradictoire des motifs de l'ordonnance, le Conseil d'État établit un lien direct entre discrimination et atteinte au respect de la dignité humaine et donc avec un risque de trouble de l'ordre public, conformément à la jurisprudence Morsang sur Orge 1995). La reconnaissance du caractère discriminatoire d'une manifestation suffit donc à légitimer une atteinte aux libertés fondamentales. [...]
[...] Commentaire de l'ordonnance du juge des référés janvier 2007 À quoi tient l'ordre public ? Une conception restrictive le définit comme la tranquillité, la sécurité et la salubrité. Cependant, l'évolution de cette notion conduit à des interprétations extensives de la jurisprudence. L'ordre public est alors fonction de composantes sanitaires, morales, du respect de la dignité humaine Une association caritative Solidarité des Français distribue des repas à des sans domicile fixe sur la voie publique. Le préfet interdit cette manifestation par un arrêté du 28 décembre 2006 au motif que la distribution est discriminatoire donc qu'elle porte atteinte au respect de la dignité humaine et que, par conséquent, elle risque d'entraîner des troubles de l'ordre public. [...]
[...] La composante morale de l'ordre public avait pour ces raisons été fortement encadrée : le juge devait être très rigoureux pour vérifier que l'amoralité était bien la source potentielle d'un trouble et d'autre part ne pouvait appliquer ce critère que localement. Ce n'est pas le cas pour cette composante relative au respect de la dignité humaine. Suite à la jurisprudence Commune de Morsang sur Orge, M. Frydman se méfiait dans ces conclusions d'une conception trop large de ce critère. Dérive qu'il est possible de soupçonner dans cette ordonnance. [...]
[...] Une ordonnance du 2 janvier 2007 suspend effectivement l'interdiction de l'arrêté en reconnaissant l'atteinte à la liberté fondamentale de manifestation malgré le caractère discriminatoire de la distribution. Un recours est alors formé par la ministre de l'Intérieur auprès du Conseil d'État contre cette ordonnance au motif que celle-ci est fondée sur des motifs contradictoires. Dans quelle mesure une atteinte au respect de la dignité humaine suffit-elle à constituer une menace pour l'ordre public et donc justifie-t-elle une restriction des libertés fondamentales ? [...]
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