Le Conseil d'Etat a eu à se prononcer sur une affaire opposant la liberté de réunion et le maintien de l'ordre public, dans son ordonnance du 19 août 2002, Front national et institut de formation des élus locaux. En l'espèce, la société Impérial Palace était gestionnaire depuis 1993 du centre de Congrès dont la ville d'Annecy est propriétaire, par contrat d'affermage. Le 8 juillet 2002, l'IFOREL, association liée au parti politique du Front national, conclut un contrat de réservation dudit centre avec la société gestionnaire, pour la période du 26 au 30 août. Cependant, le maire d'Annecy fait part au Président du directoire de la société de son refus de la tenue de l'Université d'été du Front national au centre de Congrès d'Annecy, le 29 juillet 2002 ; et formalise ce refus par une lettre mettant la société en demeure de se conformer à cette décision, en se référant aux clauses du contrat d'affermage. De son côté, la SA avait déjà informé l'IFOREL du refus du maire, et le contrat de réservation est résilié le 5 août 2002, remplacé néanmoins par un contrat relatif à l'accueil d'un séminaire de formation.
Le Front national saisit alors juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, qui considère dans sa décision du 9 août 2002 qu'il y a lieu de mettre en oeuvre un référé liberté, en raison de l'atteinte manifestement illégale portée à la liberté de réunion du parti politique, découlant de la décision de résiliation de la société gestionnaire. L'affaire est ensuite portée devant le Conseil d'Etat en sa qualité de juge des référés, qui se prononce le 19 août 2002. La haute juridiction estime qu'en l'espèce, s'il y a bien caractérisation d'une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, elle découle d'un acte pris par les autorités publiques, à savoir le maire, et non pas de la décision de résiliation de la société privée. En conséquence, le juge annule l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, et enjoint aux autorités publiques de ne pas faire obstacle à l'exécution du contrat de réservation.
[...] Ainsi, la haute juridiction ne remet pas en cause la légalité de cette distinction et appliquerait donc une règle discriminante. Cette discrimination entre groupements politiques et autres groupements peut donc paraître illégale, “dans la mesure où la loi ne la prévoit pas, et où elle ne saurait répondre à un but d'intérêt général, pas plus que révéler des différences de situations suffisantes au regard de l'accès à une salle de réunion”. Après avoir appliqué cette règle discriminante entre communes, le juge ignore les motifs d'opportunité réels des autorités publiques, d'ordre politique Des motifs d'opportunité étrangers à l'ordre public ignorés par le juge administratif Malgré les motifs invoqués par la commune, concernant l'ordre public et les nécessités de l'administration des propriétés communales, il semble assez évident que des motifs d'opportunité d'ordre politique sont la réelle justification de ce refus. [...]
[...] Or, il n'en est rien estime le Conseil d'Etat car la résiliation est en lien direct avec une décision du maire notifiée par lettre de mise en demeure. Ainsi, si atteinte à une liberté fondamentale il y question sur laquelle la haute juridiction ne se prononce pas encore, elle découle aussi et surtout d'actes pris par les autorités publiques, certes exprimés au requérant par le biais de la résiliation du contrat de résiliation. De cette implication des autorités publiques va donc découler la compétence du juge administratif, comme l'indique le Conseil d'Etat : litige porté devant le juge des référés est relatif à l'atteinte que des actes pris par des collectivités publiques, dans l'exercice de leurs pouvoirs, auraient portée à une liberté fondamentale, qu'il appartient dès lors à la juridiction administrative d'en connaître”. [...]
[...] Le référé liberté fait partie de ces procédures d'urgence, il est prévu par l'article L. 521-2 du Code de justice administrative, qui prévoit que : “Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale”. Dans ce cadre précis, le juge des référés peut donc ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté invoquée, et notamment un pouvoir d'injonction afin d'interdire préventivement à l'administration des agissements tombant sous le coup de la procédure ou pour la contraindre à cesser ce type d'agissements. [...]
[...] ( ) Peut- être faut-il interpréter la volonté de mise à l'écart des querelles politiques comme le but, infiniment assoupli, tiré de la protection de l'ordre public. Mais on a du mal à croire que le groupe d'action municipale de la Roque-d'Anthéron fut un groupement dangereux dont les réunions aient pu être de nature à engendrer des troubles à l'ordre public.” Cette jurisprudence sera par la suite abandonnée, pour revenir, comme dans l'affaire du Front national et IFOREL, aux critères traditionnels. [...]
[...] L'application empirique des pouvoirs d'urgence du juge administratif dans la protection des libertés fondamentales La haute juridiction va dans un premier temps démontrer sa compétence en l'espèce ; pour ensuite reconnaître une atteinte grave à une liberté fondamentale A. La démonstration de la compétence du juge administratif Le juge indique d'abord l'implication des autorités publiques dans l'affaire, fondement de sa compétence ; et assure également une intervention efficace dans une situation d'urgence L'implication des autorités publiques au fondement de la compétence du juge administratif Le Conseil d'Etat établit tout d'abord un point important, concernant l'implication des autorités publiques en l'espèce, question sur laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble avait commis une erreur de droit. [...]
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