La motivation de la modification par le juge d'une obligation contractuelle : volonté des parties ou intérêt social ? C'est une réponse à cette question que va nous fournir implicitement la Cour de Cassation dans cet arrêt rendu en date du 12 janvier 2005 par sa Troisième Chambre Civile.
En l'espèce, les époux X avaient conclu avec la société Carrières de Bihen un contrat de concession de l'exploitation d'une carrière. Au sein de cette convention, parties avaient prévu une clause de variation automatique de la redevance, selon laquelle cette dernière varierait en fonction du prix du mètre cube du gravillon au 1er janvier de chaque année. Il convient de noter qu'au cours de la période d'exécution du contrat, cet indice d'indexation du prix de la redevance, choisi communément par les parties, a disparu.
A défaut d'exploitation de la carrière par la société Carrières de Bihen, M.X, venant aux droits des époux X., a intenté contre ladite société une action en résiliation du contrat, réclamant par la même occasion le versement du solde de la redevance due au titre des périodes du 1er octobre 1983 au 20 février 1985 et du 1er janvier 1987 au 15 mai 1992. La Cour d'Appel d'Amiens ayant fait droit à la demande de M.X dans un arrêt en date du 29 avril 2003, apparemment précédé dans le même sens et rendu par la même Cour, d'un arrêt du 7 novembre 2000, la société Carrières de Bihen a formé un pourvoi en Cassation.
Dans ce pourvoi, la société en question fait valoir deux moyens différents, concluant tous deux à la caducité de la clause d'indexation du prix de la redevance et de par lesquels elle reprochait aux juges du fond d'une part d'avoir procédé à une substitution d'indice sans comparer les caractéristiques d'évolution des nouveaux indices avec celles de la référence figurant dans la clause de variation, et d'autre part d'y avoir procédé « sans avoir constaté que cette substitution était conforme à la volonté des parties ». En ceci, la société prétend donc à une violation de l'article 1134 du Code Civil par la Cour d'Appel.
La question qui s'était posée à la Cour de Cassation en l'espèce était donc celle de savoir dans quelle mesure et sur quel fondement il est loisible au juge de s'adonner à une substitution d'indice dans une clause de variation automatique du prix.
En l'espèce, la Troisième Chambre civile a soutenu la Cour d'Appel d'Amiens, estimant que l'indice GRA choisi était le « plus significatif et d'ailleurs utilisé dans la grande majorité des contrats de foretage », et que cette dernière avait d'un pouvoir souverain recherché la commune intention des parties quant à l'acte de substitution.
Certes il semble au premier abord que l'arrêt rendu par la Haute Juridiction ne présente aucun aspect novateur et se borne à confirmer des principes désormais constants en jurisprudence au regard du pouvoir du juge en matière de substitution d'indice au sein d'une clause de variation automatique de prix (I). Cependant, au même titre qu'il faille se méfier de l'eau qui dort, il convient de remarquer que le raisonnement apparemment mis en œuvre par la Cour de Cassation ne soit que la couverture orthodoxe et juridiquement correcte du fondement réel de cet arrêt, fondement qui se veut largement contesté, voire tabou en droit civil (II).
[...] A défaut d'exploitation de la carrière par la société Carrières de Bihen, M.X, venant aux droits des époux X., a intenté contre ladite société une action en résiliation du contrat, réclamant par la même occasion le versement du solde de la redevance due au titre des périodes du 1er octobre 1983 au 20 février 1985 et du 1er janvier 1987 au 15 mai 1992. La Cour d'Appel d'Amiens ayant fait droit à la demande de M.X dans un arrêt en date du 29 avril 2003, apparemment précédé dans le même sens et rendu par la même Cour, d'un arrêt du 7 novembre 2000, la société Carrières de Bihen a formé un pourvoi en Cassation. [...]
[...] Au vu de tout ce qui précède, il est donc possible d'affirmer que si la Cour de Cassation semble en l'espèce s'être fondée sur la recherche de la commune volonté des parties, c'était en réalité pour couvrir son intention primaire mais prohibée qui était de réviser le contrat afin d'en sauvegarder l'équilibre initial. Il semble d'ailleurs que ce ne soit pas la première fois que la Cour de Cassation déroge au principe de non révision d'un contrat afin de tenir compte de nouvelles circonstances. En effet, dans un arrêt qui n'était pas plus explicite que celui de l'espèce en ceci qu'il ne concernait pas directement le pouvoir du juge en la matière, rendu par la Chambre Commerciale à la date du 3 novembre 1992 Société française des pétroles BP c. [...]
[...] La modification de la prestation modification judiciaire : Commentaire de l'arrêt : Civ.3e janvier 2005 La motivation de la modification par le juge d'une obligation contractuelle : volonté des parties ou intérêt social ? C'est une réponse à cette question que va nous fournir implicitement la Cour de Cassation dans cet arrêt rendu en date du 12 janvier 2005 par sa Troisième Chambre Civile. En l'espèce, les époux X avaient conclu avec la société Carrières de Bihen un contrat de concession de l'exploitation d'une carrière. [...]
[...] Au fond, il apparaît alors que ces deux arrêts tendent de mettre en place un mécanisme d'adaptation automatique mis en œuvre soit par les parties elles-mêmes, soit par le juge, destiné à pallier à la survenance de quelconque circonstance susceptible de bouleverser l'équilibre contractuel. Si l'on pouvait au premier abord penser que cet arrêt relatait d'un cas typique de substitution d'indice au sein d'une clause de variation automatique des prix conformément à la jurisprudence constante, il semble néanmoins que l'argument apparemment central de la recherche de la commune volonté des parties n'ait en l'espèce constitué qu'un artifice permettant de dissimuler le véritable fondement de la présente décision, en l'occurrence la préservation de l'équilibre contractuel et donc de l'intérêt social. [...]
[...] Mais il convient toutefois de ne pas oublier que cet entier raisonnement ne semble être valable qu'à la condition de la conformité de l'opération de substitution à la volonté des parties. B. Le fondement apparent de l'arrêt : la recherche de la commune volonté des parties En effet, la Cour de Cassation a en l'espèce écarté la seconde branche du moyen qui y faisait référence, estimant que la Cour d'Appel qui, recherchant souverainement la commune intention des parties, a estimé qu'il convenait de retenir l'indice GRA ( légalement justifié sa décision . [...]
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