Le dirigeant auquel la dette fiscale de la société est imputée, est-il un codébiteur solidaire comme un autre ? C'est une réponse implicite à cette question que va livrer la Cour de Cassation dans cet arrêt de la Chambre Commerciale en date du 17 décembre 1991.
En l'espèce, M. Le Dall, président du conseil d'administration de la société anonyme Prestec, a été assigné par le receveur principal des Impôts de Paris pour le voir déclaré, sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des Procédures Fiscale, solidairement responsable des impositions dues par la société.
La Cour d'Appel l'ayant condamné comme débiteur solidaire de la dette fiscale de la société en ignorant le fait qu'il ait soulevé l'irrégularité de la procédure d'imposition engagée à l'encontre de la société, M. Le Dall a formé un pourvoi en Cassation. La Cour de Cassation, réunie en sa chambre Commerciale, a fait droit à sa demande, déclarant qu'il était recevable à faire examiner si l'irrégularité invoquée était de nature à influer sur la responsabilité solidaire qui lui était imputée, s'appuyant sur un principe relatant des exceptions qui ressemblait étrangement à l'article 1208 du Code Civil.
L'arrêt rendu par la Cour de Cassation démontre-t-il par là une volonté d'unifier le régime des exceptions invocables en matière de solidarité, en important dans un contexte fiscal des principes tirés du droit civil commun ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une volonté d'affirmer l'indépendance du paiement solidaire d'une dette fiscale vis-à-vis de ces mêmes principes ?
Si la Chambre Commerciale dans cet arrêt du 17 décembre 1991 semble opérer un rapprochement au droit civil commun en matière d'exceptions au paiement solidaire (I) , c'est toutefois sur l'autonomie du paiement solidaire d'une dette fiscale par rapport à la solidarité telle qu'entendue en droit civil qu'elle tend à insister (II).
[...] Cette source n'est autre que le droit civil commun du paiement solidaire, régi par les articles 1200 et suivants du Code Civil. Au regard du droit commun, le paiement solidaire désigne une situation dans laquelle un débiteur est tenu envers plusieurs créanciers, dite de solidarité active aussi bien qu'une situation dans laquelle plusieurs débiteurs sont tenus d'une obligation unique, dite de solidarité passive comme il semble en être le cas en l'espèce en ceci que le dirigeant de la société est réputé être codébiteur solidaire de la dette fiscale de cette dernière. [...]
[...] Mais avant tout, ce sont les effets de la solidarité qui importent à la lecture de l'arrêt en présence. En effet l'un des effets principaux de la solidarité, mis à part le paiement de l'obligation solidaire, réside dans l'opposabilité de diverses exceptions. Celle-ci est régie particulièrement par l'article 1208 du Code Civil, qui prévoit d'une façon on ne peut plus claire que le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celle qui sont communes à tous les codébiteurs Les principaux aspects du système de la solidarité tel qu'il existe en droit commun étant esquissés, il est aisé de constater que la Chambre Commerciale va en l'espèce s'inspirer très largement des règles régissant les exceptions, afin de rendre la présente décision. [...]
[...] L'invocation de l'exception occupe donc une fonction différente que l'on se situe du point de vue du droit civil ou de celui du paiement solidaire d'une dette fiscale. Par conséquent, il apparaît que l'on ne peut déduire de la reprise des principes civils relatifs aux exceptions au paiement solidaire un rapprochement réel, voire une assimilation entre le régime civil et celui qui est mis en œuvre en matière de dette fiscale. Au contraire, il semble que la solution d'espèce tende à insister sur le fait que l'on n'ait pas affaire à un seul et unique régime de solidarité, mais bel et bien à deux types de solidarités différentes. [...]
[...] Cette idée atteint son paroxysme dans le dernier attendu de l'arrêt, dans lequel la Chambre Commerciale énonce que M. Le Dall était recevable à faire examiner si l'irrégularité invoquée qui était de nature à influer sur la responsabilité solidaire qui lui était imputée était fondée. La formulation utilisée par la Cour de Cassation en l'espèce nous démontre effectivement que l'exception au paiement solidaire n'intervient en matière de dette fiscale pas dans le même cadre temporel qu'en matière de droit civil commun, en ceci que conformément aux articles 1200 et suivants du Code Civil, et plus particulièrement à l'article 1202, la solidarité s'opère, quand elle est prévue par une disposition légale, de plein droit. [...]
[...] La Cour de Cassation, réunie en sa chambre Commerciale, a fait droit à sa demande, déclarant qu'il était recevable à faire examiner si l'irrégularité invoquée était de nature à influer sur la responsabilité solidaire qui lui était imputée, s'appuyant sur un principe relatant des exceptions qui ressemblait étrangement à l'article 1208 du Code Civil. L'arrêt rendu par la Cour de Cassation démontre-t-il par là une volonté d'unifier le régime des exceptions invocables en matière de solidarité, en important dans un contexte fiscal des principes tirés du droit civil commun ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une volonté d'affirmer l'indépendance du paiement solidaire d'une dette fiscale vis-à-vis de ces mêmes principes ? [...]
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