A quoi bon mettre en oeuvre une règle de conflit de loi s'il est si facile de contourner l'application de la loi étrangère qu'elle désigne ? C'est à cette question que va implicitement tenter de répondre la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans un arrêt Itraco rendu le 28 juin 2005.
En l'espèce, la société ITRACO avait acquis une cargaison de fèves australiennes de la société GENERAL SERVICE ORGANIZATION (GSO), cargaison qui a été expédiée sous couvert de trois connaissements. Or, des manquants ont été constatés lors des opérations de déchargement.
La société ITRACO, subrogée dans les droits de la société GSO, a donc assigné devant les tribunaux français la société FENWICK SHIPPING SERVICES en réparation du préjudice subi.
Si les premiers juges ont fait à tort application au cas d'espèce des Règles de Hambourg provenant d'une convention internationale en date du 31 mars 1978 à laquelle la France n'est pas partie, la Cour d'Appel a quant à elle, au vu des divers connaissements précités, déclaré à bon droit la loi australienne applicable, tout en refusant l'application avec pour motif le fait que la société ITRACO n'en aurait pas établi la teneur, et a donc du même fait rejeté la demande de cette dernière. Ce pourquoi la société ITRACO a formé un pourvoi en cassation.
La question qui s'est donc posée à la Cour de Cassation en l'espèce était donc celle de savoir à qui, du juge ou des parties, incombait la charge de rechercher la teneur de la loi étrangère désignée comme étant applicable à la cause ?
La Haute Juridiction a ici fait droit à la demande d'indemnisation de la société ITRACO, en érigeant en principe le fait que la charge de prouver la teneur de la loi étrangère ainsi que de rechercher une solution à la question litigieuse qui soit conforme au droit positif étranger, incombe bel et bien au juge.
Il s'ensuit qui si la Chambre Commerciale s'attache ici au premier abord à répartir les rôles respectifs du juge français et des parties quant à la recherche du contenu de la loi étrangère applicable (I), il n'en est pas moins que la solution d'espèce prend en compte des intérêts beaucoup plus vastes à l'égard des enjeux du droit international privé (II).
[...] Il semble donc alors, dans un soucis de plus grande cohérence encore du mécanisme du droit international privé pris en ses différentes phases, que l'exact inverse de la solution adoptée en l'espèce au regard de l'office du juge eût été plus logique. Cette solution poserait alors pour le juge français l'obligation d'appliquer la règle de conflit du for, et lui conférerait la possibilité d'adopter un comportement passif sans la phase suivante, laissant en premier lieu aux parties le soin de rechercher le contenu de la loi étrangère. Ci-après Amerford Com 16 novembre 1993, Rev. Crit A l'exemple de Civ.1e septembre 2002 Société D&J Sporting Ltd c. Société Orchape SA ; et Civ.1e,13 novembre 2003, Rev.Crit Civ.1e décembre 1990. [...]
[...] La loi étrangère. Commentaire d'arrêt : Com juillet 2005 Itraco A quoi bon mettre en oeuvre une règle de conflit de loi s'il est si facile de contourner l'application de la loi étrangère qu'elle désigne ? C'est à cette question que va implicitement tenter de répondre la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans un arrêt Itraco rendu le 28 juin 2005. En l'espèce, la société ITRACO avait acquis une cargaison de fèves australiennes de la société GENERAL SERVICE ORGANIZATION cargaison qui a été expédiée sous couvert de trois connaissements. [...]
[...] L'étape élémentaire de la mise en œuvre du droit international privé, une fois la constatation d'une situation internationale effectuée, est effectivement constituée par l'application de la règle de conflit de loi. En matière de droits disponibles aux parties, et dans la lignée des arrêts Coveco[3] et Mutuelles du Mans[4] rendus par la Première Chambre Civile, il est considéré que le juge français détient la possibilité de rester passif quant à l'application de la règle de conflit de lois, quand bien même il serait évident que la situation juridique à laquelle il est confronté présente des éléments d'extranéité. [...]
[...] Civ.1e mai 1999. Précédemment cités en IA. [...]
[...] Cependant, l'arrêt lui-même laisse transparaître une ultime lacune dans le mécanisme de mise en œuvre de la loi étrangère tel qu'il est proposé en l'espèce. B. La révélation de l'ultime lacune dans le processus de mise en œuvre de la loi étrangère En effet, si la solution présentée en l'espèce semble cohérente au regard d'un trinôme d'intérêts, il reste à se demander comment une telle solution peut-elle être, d'un point de vue logique, justifiée. Le raisonnement opéré présente effectivement la curiosité de laisser au juge la possibilité de rester passif quant à la mise en œuvre de la règle de conflit de loi en la circonstanciant du même fait à l'invocation par les parties de l'application d'une loi étrangère. [...]
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