Dans l'arrêt Dame Lamotte rendu le 17 février 1950, le Conseil d'État définit le recours pour excès de pouvoir. Au terme de cet arrêt, le Conseil d'Etat définit le recours pour excès de pouvoir comme « le recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet d'assurer conformément aux principes généraux du droit le respect de la légalité ».
Au terme de cet arrêt, il ressort donc que le recours pour excès de pouvoir a pour objet le contentieux des actes administratifs de l'État, dont le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité. Cette fonction traditionnelle du recours pour excès de pouvoir entraîne une conséquence : le juge peut prendre acte du désistement d'action du requérant, déclarer le recours irrecevable, rejeter au fond ou bien annuler l'acte administratif. Ainsi, outre les cas d'irrecevabilité, le contentieux de l'excès de pouvoir se situe bien sur le terrain de l'annulation. Or, l'annulation est l'anéantissement rétroactif d'un acte juridique.
Les pouvoirs du juge d'excès de pouvoir apparaissent donc limités à l'annulation de l'acte ou au rejet de la demande. Or, l'évolution prétorienne du droit va permettre au juge d'appliquer des mesures alternatives à l'annulation dont les effets sont parfois inadaptés à la situation juridique de l'espèce. En effet, on parle de « mutation de l'office du juge de l'excès de pouvoir ». Mais, la limitation originelle de prérogatives du juge de l'excès de pouvoir on pour origine le rejet du « juge administrateur ». L'intérêt est donc tout à la fois juridique et politique.
En effet, face à ces pouvoirs parfois trop restrictifs, le juge s'est vu confié de nouveau pouvoir, tels que le pouvoir d'astreinte et d'injonction par la loi du 8 février 1995. Cependant, l'accroissement des pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir réside également dans la jurisprudence qui à peu à peu permis au juge de l'excès de pouvoir de trouver une alternative entre le rejet de la demande et l'annulation, en raison des conséquence souvent trop rigides de l'annulation : le caractère rétroactif de l'annulation peut, dans certains cas, soulever un problème quand à l'existence de situations juridiques découlant d'un acte administratif illégal qui sera alors annulé par le juge, le principe étant le retour au statu quo ante.
Dans quelles mesures l'autolimitation du juge quand à l'annulation d'acte administratifs illégaux apparaît-t-elle nécessaire et assiste t-on à une évolution atténuant le rejet d'un « juge administrateur » ?
Si la jurisprudence traduit une certaine volonté d'accroître les pouvoirs du juge administratif (I), il n'en demeure pas moins que la multiplication des alternatives à l'annulation sera marquée par des évolutions jurisprudentielles (II).
[...] C'est un arrêt de principe par lequel le Conseil d'Etat reconnaît au juge administratif la possibilité de moduler dans le temps les effets de l'annulation d'un acte administratif (c'est une innovation prétorienne). Dès lors que l'effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, le juge peut y déroger après avoir recueilli l'avis des parties sur ce point. Tout ou partie des effets de la décision illégale antérieurs à la décision du juge sont maintenus. Le juge peut également décider que l'annulation ne prendra effet qu'à une date postérieure qu'il détermine. [...]
[...] Si tel est le cas, le juge peut procéder à la substitution de motifs. Cela est donc une limite au rejet du juge administrateur Le requérant doit être capable de présenter ses observations et la substitution de motifs ne doit pas priver le requérant d'une garantie procédurale. La substitution de motif présente donc un avantage qui est une considération d'opportunité : mieux vaut ne pas annuler une décision qui est légalement justifiée alors que le bon motif n'a pas été trouvé à temps. [...]
[...] Ainsi est apparue la nécessité d'un changement qui est passé par l'élaboration d'un pouvoir d'injonction prétorien qui sera ensuite corroboré par la loi du 8 février 1995 instituant les pouvoirs d'astreinte et d'injonction comme des prérogatives à la disposition du juge de l'excès de pouvoir. D'un point de vue historique, en raison d'une autolimitation, le juge a refusé d'adresser des injonctions à égard de l'administration. Les relations entre le juge administratif et l'administration se caractérisent par la confiance dès lors que le juge n'a pas de pouvoir de contrainte sur l'administration. Depuis quelques années, le juge a décidé d'adopter un comportement beaucoup plus directif à l'égard de l'administration. Ainsi, le juge prend lui-même l'initiative d'adresser des injonctions à l'administration. [...]
[...] La substitution de motifs : un assouplissement caractérisé de l'interdiction d'un juge administrateur De plus en plus, le juge va chercher à éviter l'annulation lorsque celle-ci apparaît inutile. Le juge considère ainsi, depuis 2004 qu'il rentre dans l'office du juge de l'excès de pouvoir de donner à l'administration la possibilité d'invoquer devant lui, pendant l'instruction, de nouveau motifs de droit ou de fait à l'acte attaqué. Cela a pour but d'éviter de recourir à l'annulation d'un acte administratif fondé sur un motif illégal qui sera ensuite repris par l'administration justifiant cette fois d'un motif de nature à fonder la décision. [...]
[...] Il peut s'agir pour le juge d'expliciter les conséquences d'une annulation partielle par exemple. L'existence de ce pouvoir d'injonction se justifie donc par l'existence de moyens par lesquels le juge a entendu limiter les conséquences de l'annulation et permettre la solution de l'illégalité sans annulation. Outre le pouvoir d'injonction prétorienne du juge de l'excès de pouvoir, l'évolution de ses pouvoirs ne se caractérise pas par un accroissement de ses prérogatives mais plutôt par une modulation de l'annulation qui permet au juge de l'adapter en fonction de la situation d'espèce et des effets qu'elle engendre. [...]
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