Dans un arrêt en date du 17 juillet 2009, Ville de Brest, le Conseil d'Etat a eu à statuer sur la responsabilité de l'Etat engagée du fait de la méconnaissance du droit à n délai raisonnable de jugement des requêtes par les juridictions administratives.
Cet arrêt intervient dans un contexte de multiplication des recours en responsabilité de l'Etat pour durée excessive des jugements, dû à l'encombrement des juridictions. Mais tout l'intérêt de cet arrêt réside dans le fait que le Conseil d'Etat marque son autonomie vis-à-vis du droit européen en ne se référant pas à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pour reconnaître le droit à un délai raisonnable de jugement.
En l'espèce, suite à une procédure engagée à l'encontre d'une collectivité territoriale relative au règlement de travaux supplémentaires effectués dans le cadre de l'exécution d'un marché public de travaux (suite à un effondrement de terrain), cette dernière saisit le Conseil d'Etat d'une demande tendant à engager la responsabilité de l'Etat et à le condamner à indemniser les préjudices résultant pour elle de la durée excessive de la procédure engagée à son encontre. En effet la requérante allègue que les juridictions administratives ont statué dans un délai excessif lui créant ainsi des préjudices (notamment financier)
Ce recours soulève ainsi, la question de savoir si la responsabilité de l'Etat peut être engagée en raison de la durée excessive du jugement des requêtes par les juridictions administratives?
Pour retenir la responsabilité de l'Etat et le condamner à indemniser la collectivité territoriale, le Conseil d'Etat énonce que les principes généraux gouvernant le fonctionnement des juridictions administratives créent dans le chef des justiciables un droit à ce que leur requête soit jugée dans un délai raisonnable. Il en déduit, qu'à défaut de pouvoir obtenir la remise en cause de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure contestée, l'engagement de la responsabilité de l'Etat permet aux particuliers de s'assurer du respect de leur droit.
[...] Ainsi compte tenu de l'encombrement des juridictions françaises les cas de remise en cause des décisions juridictionnelles auraient été nombreux et auraient conduit à une insécurité juridique, notamment en permettant à des parties d'échapper à leur condamnation par le jeu de la remise en cause des décisions pour méconnaissance du délai raisonnable de jugement. C'est sans doute la raison pour laquelle le Conseil d'Etat choisit de ne pas remettre en cause l'autorité du juge mais de simplement permettre aux justiciables d'engager la responsabilité de l'Etat aux fins d'obtenir une indemnisation. [...]
[...] Par son raisonnement le juge administratif évite donc une indemnisation trop large et trop diffuse des préjudices. Cependant, après avoir donné les moyens aux justiciables de faire respecter leur droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable, le Conseil d'Etat entend limiter ces moyens, en déclarant que la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure En d'autres termes, le Conseil d'Etat considère que l'excessive durée d'une procédure n'entache pas la décision d'une irrégularité. [...]
[...] Autrement dit, l'Etat peut voir sa responsabilité engagée non seulement en cas de délai déraisonnable de jugement mais également lorsque la durée d'une phase de la procédure a été excessive. En effet, il énonce que lorsque la durée globale de jugement n'a pas dépassé le délai raisonnable, la responsabilité de l'Etat est néanmoins susceptible d'être engagée si la durée de l'une des instances par elle-même, revêtu une durée excessive. Ainsi le juge administratif va procéder à un contrôle minutieux de chaque phase du procès et déduire de l'excessive durée de l'une la responsabilité de l'Etat. [...]
[...] En l'espèce d'ailleurs il en vient à déduire que le délai raisonnable a été dépassé de trois ans dans une procédure s'échelonnant sur onze ans et sept mois après avoir examiné ces différents critères. Mais il ne faut pas se laisser abuser par l'impression d'innovation de cet arrêt car en réalité demeurent en filigrane les influences de la jurisprudence européenne au vue de la grande similitude existante entre les critères posés par le Conseil d'Etat et ceux établis par la Cour Européenne des Droits de l'Homme. [...]
[...] Il en déduit, qu'à défaut de pouvoir obtenir la remise en cause de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure contestée, l'engagement de la responsabilité de l'Etat permet aux particuliers de s'assurer du respect de leur droit. Ainsi par son arrêt le Conseil d'Etat consacre un droit au profit des justiciables ayant pour corollaire de créer une obligation à la charge de l'Etat, contraint d'indemniser les préjudices résultant de la violation de ce droit (II). Un droit au profit des justiciables : le droit à un délai raisonnable de jugement des requêtes Prenant comme fondement les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, le Conseil d'Etat affirme le droit à ce que les requêtes soient jugées dans un délai raisonnable et pose les critères d'appréciation du caractère raisonnable qui conduisent à un contrôle in concreto de ce dernier Un droit tiré des principes généraux gouvernant le fonctionnement des juridictions administratives Dans son arrêt, le Conseil d'Etat déclare qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que les requêtes soient jugées dans un délai raisonnable Ainsi, la Haute Juridiction déduit des principes généraux propres à la juridiction administrative un nouveau droit pour les justiciables. [...]
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