La responsabilité sans faute de l'Etat peut valablement être engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques, du fait d'une loi ou d'une convention internationale. Seulement, la jurisprudence impose que certaines conditions soient remplies pour que le préjudice puisse engager la responsabilité de l'Etat.
L'arrêt à commenter, rendu le 6 septembre 2007 par la Cour d'Appel de Bordeaux, est relatif à ce problème, à savoir l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait d'une loi et d'une convention internationale.
En l'espèce, la demande de la Mutuelle de Poitiers Assurances ayant été rejetée par le Tribunal Administratif de Poitiers, celle-ci intente une action en responsabilité contre l'Etat devant la Cour d'Appel de Bordeaux, sur le fondement d'un préjudice subit du fait de la loi du 30 novembre 2001, portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La Mutuelle de Poitiers Assurances estime d'une part que le jugement de 1re instance est insuffisamment motivé dans la mesure où les conditions de la responsabilité sans faute du fait des lois sont réunies, et d'autre part que la volonté du législateur n'était pas de faire supporter une charge anormale aux assureurs. Elle ajoutera que la loi du 30 novembre 2001 n'est pas conforme à l'article 6 de la CEDH relatif au droit de propriété.
Le ministre de l'Agriculture et de la pêche, en défense, fait valoir que le jugement de 1re instance était suffisamment motivé dans la mesure où la loi présente un intérêt économique et social d'ordre général, de ce fait les conditions pour que soit engagée la responsabilité de l'Etat ne sont pas réunies. Le ministre avance également qu'il n'y a pas de lien de causalité direct entre la loi et le préjudice, préjudice qui selon lui n'est pas justifié et ne présente pas les caractères requis en l'espèce à savoir un caractère spécial et anormal.
La Cour Administrative d'Appel devait donc d'une part vérifier si en l'espèce les conditions étaient remplies pour que la responsabilité sans faute de l'Etat puisse être valablement engagée en raison d'une loi motivée par des motifs d'intérêt général, dans laquelle le législateur n'a pas exclut pas la possibilité d'indemnisation d'un éventuel préjudice causé par son application, et d'autre part juger de la conformité de la loi à une convention internationale.
La Cour d'Appel de Bordeaux va rejeter la requête de la Mutuelle de Poitiers Assurance, en considérant que le préjudice subit n'est ni spécial, ni grave, et en estimant que la loi motivée par des motifs d'intérêt général n'est pas contraire à la CEDH.
Cet arrêt du 6 septembre 2007 s'inscrit dans la jurisprudence relative à la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques du fait des lois et des conventions internationales.
[...] En l'espèce, le juge relève que "la Mutuelle de Poitiers Assurances( . )ne justifie( . ) d'aucun préjudice spécial dans la mesure où les dispositions en cause s'appliquent à tous les assureurs se trouvant dans la même situation dont le nombre ne peut être regardé comme suffisamment limité". Ainsi, le critère de spécificité n'est pas rempli selon le juge, car les dispositions sont trop générales, et touchent trop de personnes : la rupture d'égalité ne peut évidemment pas être relevée si le préjudice n'est pas propre à un petit nombre de personnes. [...]
[...] En effet, le juge estime que la requérante "ne justifie pas( . )la gravité du préjudice qu'elle aurait personnellement subi". Dans l'appréciation souveraine de ces deux critères, le juge a une liberté d'appréciation certaine, car il détermine le caractère spécial et anormal du dommage, or ce sont des notions floues, car lui seul, en fonction de l'espèce peut juger du caractère "suffisamment limité" d'un nombre ou même la "gravité du préjudice". Déjà, comme les critères de spécificité et d'anormalité ne sont pas remplis, on sait que la responsabilité de l'État ne sera pas engagée en l'espèce. [...]
[...] Après avoir étudié en quoi la demande de la Mutuelle de Poitiers Assurances n'était pas recevable au regard des critères jurisprudentiels nécessaires pour pouvoir engager la responsabilité sans faute de l'État pour rupture d'égalité du fait d'une loi, il convient de s'intéresser au contrôle effectué par le juge administratif de la conformité de la loi litigieuse à l'article 6 de la CEDH. II - Le contrôle par le juge administratif de la conformité de la loi du 30 novembre 2001 à la Convention Européenne des Droits de l'Homme Il convient dans un premier temps de s'intéresser à la place de cet arrêt dans la jurisprudence relative au contrôle de conventionnalité exercé par le juge administratif pour ensuite expliquer en quoi la responsabilité de l'État du fait d'une convention internationale ne peut être engagée en l'espèce A - Un contrôle de conventionnalité effectué par le juge administratif Le juge administratif exerce dans cet arrêt un contrôle de conformité de la loi du 30 novembre 2001 par rapport à la CEDH de 1950. [...]
[...] Il convient tout de même de vérifier si les autres critères étaient satisfaits. B - Une activité conforme à l'intérêt général pour laquelle le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le texte à l'origine du litige La loi litigieuse a été adoptée dans un but d'intérêt général, et son objet n'est pas d'interdire une activité qui serait contraire à l'ordre public ou à la santé publique, mais de "porter amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles". [...]
[...] En l'espèce, le Conseil d'État estime que les dispositions de la loi "ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales." En effet, l'État doit assurer le respect des conventions par les autorités publiques donc tout manquement à cette obligation peut constituer une faute, d'un point de vue juridique (car une faute est un manquement à une obligation). Seulement, en l'espèce, l'État n'est pas responsable, car le juge estime que le traité a été respecté. [...]
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