Le 23 février 2006, la deuxième chambre de la Cour administrative d'appel de Versailles a rendu un arrêt confirmatif relatif à la question de la laïcité et de la neutralité des agents du service public. Mme Rachida X est assistante maternelle salariée par la commune de Guyancourt, et ainsi agent du service public. À partir de l'été 2000, Mme X porte un voile manifestant son appartenance à la religion islamique. La commune a formulé les 17 novembre 2000, 23 février 2001, et 5 juillet 2001, des demandes auprès de Mme X visant à modifier ce comportement. Mme Rachida X refusant d'obtempérer à ces demandes, est licenciée par une décision du 27 décembre 2001.
Les juges ont dû s'interroger sur les deux problèmes suivants : le port par un agent du service public d'un signe destiné à marquer l'appartenance à une religion constitue-t-il un manquement à ses obligations professionnelles et en ce sens une faute ? Le refus par un agent public de se soumettre au principe de neutralité peut-il entraîner une faute grave justifiant un licenciement ?
[...] Les juges ont d'une part retenu qu'en vertu du principe de laïcité, le port d'un signe manifestant l'appartenance à une religion par un agent public constituait un manquement aux obligations professionnelles et en ce sens, une faute. D'autre part, la Cour a estimé que le refus d'obtempérer exprimé par Mme X aux demandes du maire de la commune était constitutif d'une faute grave, à laquelle l'état de grossesse de la requérante ne peut faire obstacle. Enfin, les juges ont affirmé que la sanction retenue n'était pas disproportionnée. La cour administrative d'appel de Versailles a ainsi rejeté la demande de Mme Rachida X. [...]
[...] Un arrêt de principe quant à la sanction retenue L'arrêt Mme Rachida X pose un principe, celui de la faute grave engendrée par le refus de se plier au principe de neutralité. Solution similaire lors de l' arrêt du 22 février TA Paris, Mme Latifa B. : La sanction du licenciement n'est pas entachée d'illégalité dès lors que la requérante avait préalablement et pleinement été informée de ses obligations en la matière Une portée à la fois générale et favorable à une laïcité négative Un décalage avec la CEDH qui privilégie le cas par cas L'arrêt Rachida X marque un éloignement avec la conception jurisprudentielle de la CEDH. [...]
[...] La loi du 15 mars 2004 a retenu le critère de signe ostentatoire ( caractère visible ou ostensible du signe) et non d'ostensible ( dont le port conduit à se faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son appartenance religieuse Le juge retient le caractère ostentatoire du signe un voile couvrant entièrement sa chevelure Cet arrêt affirme que le simple port d'un signe visible manifestant l'appartenance à une religion est constitutif d'une faute. L'absence d'exception au principe de neutralité L'incertitude résidait dans cet arrêt dans le fait que l'intéressé exerçait ses fonctions essentiellement à domicile, de plus celle-ci avançait l'argument selon lequel jamais les usagers du service qu'elle assurait n'avaient manifesté une gène au port du foulard par l'agent. Le juge pose le principe selon lequel l'existence de circonstances quelles qu'elles soient ne sauraient l'exonérer du nécessaire respect du principe de neutralité à l'égard des usagers du service public . [...]
[...] Par la décision Nadjet ben Abdallah : élargissement de cette position à l'ensemble des agents publics : le principe de laïcité, qui a pour corollaire nécessaire le principe de neutralité des services publics, fait obstacle à ce que les agents publics disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses La commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, ou commission Stasi a en 2004 estimé qu'il serait opportun de transcrire dans le statut général des trois fonctions publiques le respect de la neutralité du service auquel sont tenus les fonctionnaires et les agents Une décision créatrice de droit Si le principe de laïcité a une valeur constitutionnelle (Art C absence de valeur législative du principe de neutralité des agents publics. Seul le principe de neutralité des agents publics dans le cadre scolaire est imposé par le législateur (loi du 15 mars 2004). L'arrêt rendu le 23 février 2006 par la Cour administrative d'appel de Versailles confirme une tendance jurisprudentielle à la généralisation du principe de neutralité à l'égard de l'ensemble des services publics. [...]
[...] La requérante aussi assistante maternelle, exerçait en portant le voile, de la même manière, ses fonctions à son domicile. L'arrêt Rachida consacre le principe de neutralité à l'égard de l'ensemble des agents publics et s'attache à donner une interprétation stricte du principe de neutralité. II Une interprétation stricte du principe de neutralité L'interprétation stricte du principe de neutralité des services publics se manifeste par la décision du juge quant à la sanction retenue et par sa portée à la fois générale et favorable à une laïcité négative Le licenciement justifié par le refus de soumission au principe de neutralité Le refus d'obtempérer motif de faute grave Les suites données à ce manquement doivent être appréciées compte tenu de la nature et du caractère plus ou moins ostentatoire du signe, mais aussi de l'ensemble des circonstances propres à l'espèce. [...]
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