Cour administrative de Paris 1re chambre 20 janvier 2000, régime de la prise illégale d'intérêt, recours en excès de pouvoir, litige, droit des propriétés publiques, article 1596 du Code civil, arrêt Delerue, intérêt général, article 432-12 du Code pénal, patrimoine public, commentaire d'arrêt
En l'espèce, un tiers s'est opposé à l'échange de parcelles foncières effectué entre la commune de Vieux Champagne en Seine-et-Marne, et l'EARL du Vieux Champagne, dont le gérant se trouve être le premier adjoint au maire de la commune. La délibération du Conseil Municipal en date du 27 septembre 1996 relative à ladite transaction a fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant le Tribunal de Melun. Ce dernier a prononcé l'annulation de l'acte litigieux par un jugement rendu le 20 mai 1997, au motif que cet échange méconnaît la norme ainsi énoncée. La commune de Vieux Champagne, représentée par son maire en exercice, décide alors d'interjeter l'appel devant la Cour administrative d'appel de Paris, qui devra s'interroger sur la licéité de l'échange effectué entre les parties, en examinant le fond du litige.
[...] Ce principe à valeur constitutionnelle[6] prohibe ainsi toute opération visant à céder à vil prix les biens publics relevant du domaine privé, protégeant alors avec pragmatisme ces biens contre toute aliénation. En l'espèce, le régime dérogatoire de la prise illégale d'intérêt œuvre au respect de ce principe puisqu'il contraint les parties à évaluer leurs biens auprès du service des domaines, afin qu'il estime leur valeur vénale. L'efficacité de cette disposition réside toutefois en ce que les parties ne peuvent s'écarter de l'avis rendu, du moins pas à la baisse, puisque « le prix ne peut être inférieur à l'évaluation du service des domaines ». [...]
[...] En ce sens, il n'est pas impossible d'imaginer que dans le cadre du régime dérogatoire de la prise illégale d'intérêt, un motif d'intérêt général puisse justifier une cession à un prix inférieur à l'estimation faite par le service des domaines. C'est ce qui ressort de l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 30 octobre 2001, statuant sur l'acquisition d'une parcelle foncière par le maire de la commune de Lanteuil. La Cour estime en effet que si l'opération est licite en ce qu'elle entre bien dans le cadre du régime dérogatoire de la prise illégale d'intérêt, la cession effectuée à vil prix ne se justifie par aucun motif d'intérêt général, et n'offre aucune contrepartie. [...]
[...] La transaction pourrait alors parfaitement se faire sans qu'aucune estimation ne soit prononcée, dans l'inégalité la plus totale. Dès lors, l'incompatibilité de fonctions joue un rôle important dans la protection des biens publics du domaine privé et garantit efficacement son intégrité. Cependant, le droit français étant constitué en grande partie d'exceptions, cette entrave à l'acquisition des biens publics n'est pas sans connaître de possibles dérogations. B. La perméabilité du principe au regard du régime dérogatoire de la prise illégale d'intérêt L'opération visant à se porter acquéreur d'un bien que l'on a la charge d'administrer est également sanctionnée par le Code pénal, en vertu de l'article 432-12 qui consacre le délit de prise illégale d'intérêt. [...]
[...] Les administrateurs (des biens) des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins ». C'est ce principe qui est invoqué par le requérant aux fins d'attaquer la délibération relative à la transaction foncière entre la commune et l'EARL du Vieux Champagne, et d'en obtenir l'annulation. La Cour rappelle par ailleurs que ces dispositions s'appliquent également aux opérations d'échanges, en vertu de l'article 1707 du Code civil. En l'espèce, le gérant de l'EARL étant le premier adjoint au maire, sa fonction serait alors incompatible avec un transfert de propriété foncière entre lui et la commune dont il est agent. [...]
[...] » L'intention du législateur tendait ici à prendre en compte la spécificité des communes rurales. Ce régime dérogatoire permet en effet aux élus municipaux de fournir des prestations de service à la commune, et ne les contraint pas à choisir entre leur mandat et leur profession : agriculteur dans ce cas précis. En effet ce dilemme existe nécessairement au sein des petites communes rurales où le nombre d'habitants n'offre pas forcément un large panel de candidats. Et c'est pour cette raison qu'il a été décidé d'affaiblir sensiblement le principe d'impartialité de l'action publique en consacrant ces exceptions. [...]
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