En 2002, face aux nombreuses incertitudes sur les risques environnementaux et sanitaires liés aux OGM, quelques réponses réglementaires ont été avancées au niveau européen. Cependant en France, certains acteurs ont souhaité pallier les lacunes de la réglementation communautaire et ont pris des initiatives volontaires. Ainsi, 1500 communes étaient comptées dans lesquelles le maire avait pris une mesure d'interdiction d'essais ou de cultures OGM. Toutefois, la majorité de ces arrêtés ont été annulés, la jurisprudence ayant refusé l'exercice par le maire de son pouvoir de police générale dans les domaines où il existe une police spéciale très réglementée, notamment pour la protection de l'environnement. En effet, si le maire dispose d'un large pouvoir de police administrative générale sur le fondement de l'article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ce pouvoir peut toutefois être limité lorsqu'il existe une police administrative spéciale. Au sein de la police administrative, on distingue ainsi la police générale et la police spéciale.
La police générale est l'autorité responsable du maintien de l'ordre public sur un territoire donné, elle dispose d'un ensemble de compétences et de moyens d'action et doit donc assurer le maintien de la sécurité, la tranquillité et la salubrité.
La police spéciale détient une compétence prévue par des textes législatifs spéciaux, elle dispose de moyens plus précis, techniquement adaptés à un domaine défini. Les polices spéciales s'appliquent à une catégorie d'individus ou à une activité. Elles se distinguent de la police générale par leur but, qui excède la définition traditionnelle de l'ordre public ou par la détermination de l'autorité compétente, différente de l'autorité générale normalement compétente.
L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 6 juillet 2004, SARL ét. Lucien Rey, met ainsi en évidence les limites du pouvoir de police général du maire face à plusieurs autorités de polices spéciales.
En l'espèce, le 16 février 2000, de graves manquements aux règles d'hygiène ont été constatés dans les locaux de l'atelier artisanal de découpe de viandes exploité par la SARL Rey. Le 28 février 2000, le maire de St Etienne a ainsi prononcé la fermeture provisoire de cet établissement par un arrêté.
Le 26 février 2003, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL Rey demandant l'annulation de l'arrêté du maire de St Etienne en date du 28 février 2000. La SARL Rey a donc déposé le 15 février 2003 une requête devant la CAA de Lyon.
Une autorité de police générale excède-t-elle sa compétence lorsqu'elle édicte des mesures dans un champ d'application qui relève en principe de la réglementation d'autorités de polices spéciales ?
[...] En l'espèce, la SARL Rey est une installation classée. Les textes 258 ss et L 514-1 imposent ainsi une réglementation à la SARL Rey et habilitent des autorités compétentes, chargées de contrôler cet établissement. Ces textes, extrêmement précis et techniques, sont des textes législatifs spéciaux, qui habilitent des autorités de police spéciale à agir. Ainsi la SARL Rey est une installation classée non seulement soumise à la police spéciale de l'environnement mais aussi à la police spéciale relevant du code rural et des services vétérinaires de l'Etat. [...]
[...] Par cet arrêt, la commune de St Avold a fait appel en soutenant la compétence du maire. La cour a considéré que compte tenu du risque pour la population qui habitait à côté des installations chimiques, le maire avait eu une mesure préventive et était compétent. CE septembre 2003, Houillères du bassin de Lorraine. Le CE a considéré que ces installations étaient certes règlementées par la police spéciale ; ainsi la seule raison qui aurait autorisé l'immixtion du maire aurait été la présence d'un péril imminent. [...]
[...] Ainsi, le maire, autorité de police générale, n'est pas en principe compétent et n'a pas le recul nécessaire pour prendre de telles décisions. En l'habilitant uniquement en cas de péril imminent, la maire pourra agir en cas de péril exceptionnel et sinon il sera invité à saisir le préfet des problèmes qu'il aura décelé. En l'espèce, un péril imminent n'a pas été décelé par la CAA de Lyon. La SARL Rey constituait une menace pour la santé publique. En effet, de graves manquements aux règles d'hygiène avaient été constatés le 16 février 2000 dans les locaux de l'atelier artisanal de découpe de viande. [...]
[...] La SARL Rey a donc déposé le 15 février 2003 une requête devant la CAA de Lyon. La SARL Rey demande l'annulation de l'arrêté du maire du 28 février 2000, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon. Elle demande aussi à la cour de condamner la commune de St Etienne à lui payer une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. La requête a été accueillie par la CAA de Lyon, qui a décidé d'annuler l'arrêté du maire de St Etienne du 28 février 2000 et d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 février 2003. [...]
[...] TA juin 2003, Préfet de la Seine Saint-Denis. Cette jurisprudence qui à l'origine concernait les installations classées a été étendue à la police de l'eau CAA Nancy août 2004, Préfet de la Haute Saône c. commune de Saulnot et à l'autorisation de cultures d'organismes génétiquement modifiés, CAA Bordeaux septembre 2004, Préfet de la Haute-Garonne. En l'espèce, la solution de la CAA de Lyon s'inscrit dans un contexte traditionnel de la jurisprudence administrative française qui est, depuis l'arrêt CE janvier 1965, Consorts Alix, constante et ainsi encore actuelle. [...]
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