Autonome depuis la décision Blanco de 1873, le régime de la responsabilité administrative, largement prétorien, n'a cessé de progresser. Parce qu'il place au centre de ses préoccupations la juste indemnisation des victimes, il s'étend jusqu'aux activités de plus grande souveraineté de l'Etat : police, justice, législation…
La responsabilité de l'Etat est, en principe, une responsabilité pour faute. En ce sens, le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits ont très tôt distingué la faute personnelle et la faute de service et, ajoutant à la théorie du cumul de fautes celle du cumul de responsabilités, sont parvenus à faire couvrir très largement, par le service, les fautes commises par les agents. Ce régime est donc très favorable aux victimes puisqu'il permet d'exercer une action contre l'administration alors qu'à l'origine se trouve une faute personnelle d'un agent.
Cependant, l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Douai du 25 juin 2008 va à l'encontre de cette faveur rendue aux victimes.
[...] La cour d'appel semble ici exiger une faute de l'Etat pour que sa responsabilité soit engagée et qu'elle donne ainsi lieu à réparation du préjudice subi par la victime. Or, en l'espèce, aucune faute de l'Etat n'est reconnue. Par ailleurs, une faute personnelle de l'agent est reconnue, mais, selon la cour d'appel, son lien avec le service ne suffit pas à engager la responsabilité de l'Etat. Ainsi, la cour d'appel rend clairement une décision qui va à l'encontre de l'intérêt de la victime. [...]
[...] Dans une première phase commençant en 1911, le juge favorise la liberté d'action contentieuse des victimes afin de leur garantir l'indemnisation la plus favorable. L'arrêt Pelletier avait, en 1873, distingué la faute de service de la faute personnelle, comme énoncé précédemment, mais la victime n'avait pas la faculté de choix : soit il y avait une faute personnelle et elle devait s'adresser au juge judiciaire, soit il y avait faute de service et elle devait s'adresser au juge administratif. L'arrêt Anguet, en 1911, lui offre la possibilité, dans l'hypothèse où deux fautes, personnelle et de service, ont cumulé leurs effets, de s'adresser pour l'ensemble au juge administratif, mettant ainsi en cause le service et le patrimoine de l'administration responsable. [...]
[...] Il est, par ailleurs, rappelé que les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne font pas obstacle à ce qu'une action en réparation intégrale du préjudice subi soit engagée contre l'Etat à la condition que l'accident soit imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité En l'espèce, il y a bien une faute personnelle de l'agent, mais le lien qui existe entre cette faute et le service n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat. La cour d'appel n'applique donc pas la solution dégagée dans l'arrêt Mimeur. [...]
[...] Si un pourvoi devant le Conseil d'Etat venait à être formé par la victime, autrement dit, le maréchal des logis ayant subi le préjudice, la Haute Cour censurerait donc probablement cette décision, trop rude pour la victime qui, en plus du dommage qu'elle a subi, n'a le droit à aucune réparation. Cela reviendrait alors à énoncer une solution semblable à celle que les juges du fond ont prononcée en première instance, solution favorable à la victime. Bibliographie - Martine Lombart, Droit administratif. [...]
[...] Cette jurisprudence a été par la suite étendue aux fautes personnelles commises en dehors du service, comme vu précédemment (CE 18 novembre 1949, Delle Mimeur). La victime pourra donc, ici encore, s'adresser au juge administratif et demander la condamnation de l'administration. Or, en l'espèce, en refusant d'admettre la responsabilité de l'Etat sur le fondement d'une faute personnelle du maréchal des logis, auteur du dommage, la cour d'appel écarte un possible cumul de responsabilités qui aurait permis à la victime d'exercer soit une action en responsabilité personnelle contre l'agent ou une action en dédommagement dirigée contre l'administration. [...]
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