Dans la volonté d'extraire « du maquis du droit de la gestion des services publics » un très ordonné « jardin à la française » s'inscrit l'œuvre didactique de la Section du contentieux du Conseil d'Etat. Tout en traçant une grille de lecture pédagogique des relations entre personnes publiques et personnes privées gérant un service public, l'arrêt Commune d'Aix-en-Provence vient répondre à une question de principe en termes communautaires, par la consécration interne de la théorie de l'opérateur in house.
La commune d'Aix-en-Provence a attribué deux subventions à l'association en charge de l'organisation de son festival annuel d'art lyrique par deux délibérations attaquées devant le juge administratif. Les contribuables aixois porteurs du recours pour excès de pouvoir en première instance font valoir, parmi d'autres griefs, que l'octroi de telles subventions était impossible en l'absence de délégation de service public de la commune à l'association, aux termes de la loi du 29 janvier 1993 dite « Loi Sapin » codifiée au code général des collectivités territoriales.
Le tribunal administratif de Marseille a tranché la question en l'espèce en considérant que le service public culturel en cause était d'envergure nationale, éludant de jure la question de l'application du code général des collectivités territoriales. La cour administrative d'appel de Marseille a, pour sa part, tranché le débat au fond d'une solution rigoureuse en vertu de laquelle l'octroi de subventions à une association n'est pas possible hors du cadre de la délégation de service public prévue par la « Loi Sapin ». C'est de cet arrêt que connaît le Conseil d'Etat dans son arrêt de Section du 6 avril 2007, sur pourvoi de la commune d'Aix-en-Provence.
La divergence étant palpable entre les juridictions du fond, le Conseil d'Etat se devait de répondre par un arrêt de principe, ce qui explique le renvoi de l'affaire en Section du contentieux.
[...] Faut-il prêter un sens à cette différence terminologique ? Cela semble hasardeux sans le recul nécessaire face à cette jurisprudence novatrice, une fois noté tout de même que, si l'analogie renvoie à une ressemblance non fortuite entre deux éléments analogie renvoyant au grec qui signifie proportion mathématique la comparabilité fait référence à une mise en parallèle d'entités disposant seulement de caractéristiques communes. L'analogie semble plus profonde, ontologique. Néanmoins, il est patent que le Conseil d'État s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de Luxembourg en précisant que ce contrôle doit notamment donner aux collectivités les moyens de s'assurer du strict respect de son objet statutaire Cette précision renvoie à celle effectuée par le juge communautaire sur la nature du contrôle qui doit selon lui soumettre l'organisme à un contrôle permanent l'autorité publique contrôle qui doit lui permettre d'influencer les décisions de l'organisme Le juge européen précise même qu'il doit s'agir d'une possibilité d'influence déterminante tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes La position du Conseil d'État, en principe, affirme une parenté révérencieuse avec le droit communautaire que le juge interne transpose avec rigueur. [...]
[...] Le Conseil d'État va surmonter l'obstacle potentiel sans pour autant trancher explicitement la question de savoir s'il était théoriquement surmontable. Après avoir décrit les modalités statutaires de nomination des membres du Bureau et du conseil d'administration de la structure, son financement, et réglé rapidement le cas de l'ouverture à des adhérents privés, le juge administratif va se contenter d'affirmer que compte tenu de son objet statutaire et du contrôle qu'exercent sur elle ces collectivités [qui l'ont créé] l'association ne peut être regardée comme un opérateur sur un marché concurrentiel. [...]
[...] En ce sens, la théorie in house représente bien une exception en droit administratif français et dans le cadre du contentieux des associations transparentes, qui ne doivent pas pouvoir proliférer au motif de l'application d'une telle exception. De ce fait, l'utilisation importante quantitativement dans l'arrêt du Conseil du critère d'opérateur sur le marché semble indispensable pour consolider le mécanisme retenu et, surtout, son applicabilité aux associations. Le recours indispensable au critère d'opérateur sur le marché Pour le Conseil d'État, la reconnaissance de l'exception in house se déduit, lorsque les conditions énoncées se trouvent remplies, par le fait que l'organisme en cause doit être regardé, alors, comme n'étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne pourraient faire appel qu'en concluant un contrat de délégation de service public ou un marché public de services Cette référence appuie l'efficacité du système en posant sa validité, sa raison d'être. [...]
[...] Le contrat in house en droit interne (Commentaire d'arrêt : CE Section 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence) Bibliographie - Conclusions du Commissaire du gouvernement SENERS, RFDA 2007 p - Contrats in house : état des lieux après l'arrêt Asemfo, E. DE FENOYL, AJDA 2007 p - Les étrangers dans la maison ou l économie mixte exclue des contrats in house, F. ROLIN, AJDA 2005 p - Le in house dans tous ses états : du pluri-contrôle public appliqué à l'intercommunalité, E. [...]
[...] Or si un organisme ne peut être regardé comme opérateur sur un marché, il n'y a pas lieu d'appliquer de telles règles. Cette référence renvoie donc, dans l'hésitation terminologique de l'arrêt, à la notion d'opérateur économique développée par le juge administratif. Et s'il est impossible de considérer in abstracto qu'une association n'est pas un opérateur économique sur un marché, le Conseil d'État vient affirmer par cet arrêt que lorsqu'elle est contrôlée intégralement par une personne publique dans le respect des conditions de l'exception in house, une association ne peut être regardée comme un opérateur auquel il ne pourrait être fait appel que dans le cadre d'un contrat de délégation de service public ou d'un marché public de services Cet arrêt constitue un premier pas pour la jurisprudence administrative vers l'affirmation, que réclamait le Commissaire du gouvernement dans ses conclusions, mais qui n'a pas été explicitée nettement par la Section du contentieux, qu'aucun motif ne justifie une procédure de mise en concurrence préalable à la dévolution d'une activité hors marché. [...]
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