Conseil d'État section 21 juin 2013, Communauté d'agglomération du pays de Martigues, rapporteur public, rejet de la requête, procédure irrégulière, Cour européenne des droits de l'homme, juridiction administrative, article 6-1 de la CEDH, requérant, article R711-3 du Code de justice administrative, place du rapporteur public
En l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône avait autorisé l'exploitation d'un centre de stockage de déchet par la Communauté d'agglomération du Pays de Martigues. Mais à la suite d'un jugement du 20 novembre 2008, le Tribunal administratif (TA) de Marseille a annulé cet arrêté et enjoint le préfet à le modifier, ce que ce dernier a fait. La Communauté d'agglomération du Pays de Martigues, bénéficiaire de l'autorisation d'exploitation, a interjeté appel du jugement. Mais la Cour administrative d'appel (CAA) a rejeté la requête. Le requérant se pourvoit donc en cassation. Il reproche notamment à la Cour administrative d'appel d'avoir rejeté sa requête alors que le rapporteur public aurait dû informer des motifs qui l'ont poussé à proposer le rejet de la requête d'appel.
[...] On comprend la logique : le principe du contradictoire implique la transmission de toutes les informations à l'autre partie, mais le rapporteur public n'y est pas soumis. Mais étant donné que les parties ont la possibilité de répondre aux conclusions par des observations orales ou par une note en délibéré, il faut donner suffisamment d'informations pour permettre au requérant de répondre. Du rôle du rapporteur public et de la place des conclusions au sein du jugement, la Cour en infère les informations transmises qui serviront au requérant : les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué . [...]
[...] D'abord, le raisonnement exposé part de la situation des conclusions au sein du jugement pour en inférer son objet, son intérêt, sa substance. Ce raisonnement inductif n'est pas sans faille. Pourquoi partir de sa place dans le procès pour en inférer son principe ? On peut notamment se demander pourquoi la place des conclusions du rapporteur public n'a pas été déplacée au sein de l'instruction au lieu de se trouver à sa clôture tel qu'il est rappelé au considérant : prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction . [...]
[...] D'une part l'on voit que la pratique de l'information sur le sens des conclusions préexistait de façon jurisprudentielle à l'article R. 711-3 du CJA, de même que la possibilité de répliquer par une note en délibéré. D'autre part on voit que la CEDH reconnaît le droit à un procès équitable, en ce qui concerne les conclusions de l'ancien commissaire du gouvernement en tout cas. Par la même occasion, il semble donc que le Conseil d'État réaffirme également la nature des conclusions du rapporteur public, qui ne sont pas des documents administratifs communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978, reprenant sa jurisprudence du 20 janvier 2005 mentionné aux tables du recueil Lebon, M. [...]
[...] On devine dès lors le principe de sélection des informations qui doivent être transmises : doivent être transmises les informations qui permettent aux parties d'apprécier l'opportunité d'aller à l'audience et qui pourraient s'avérer utiles pour la réponse orale ou écrite. Mais dans sa visée pédagogique, le Conseil d'État va plus loin et explicite ce qui doit être communiqué au requérant sous peine d'irrégularité, ce qui montre l'importance de leur communication. Ces éléments sont donnés au considérant 6 : les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter , autrement dit la solution et seule la solution que le rapporteur public compte proposer aux juges doit nécessairement être communiquée aux parties conformément à l'article R. [...]
[...] L'absence d'information des motifs qui ont conduit à ce que le rapporteur public propose le rejet de la requête rend-elle la procédure irrégulière ? Le Conseil d'État répond par la négative. Les motifs qui conduisent à la proposition de décision du rapporteur public ne font pas partie des éléments qui doivent être communiqués, sous peine d'irrégularité, aux parties. L'arrêt de section s'inscrit dans le cadre plus général d'une réforme du rôle du rapporteur public, condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour sa place problématique au sein de la formation de jugement. [...]
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