Le Conseil constitutionnel affirme que ni le principe de séparation des pouvoirs, ni aucun principe ou règle à valeur constitutionnelle ne font obstacle à ce qu'une autorité administrative puisse exercer un pouvoir de sanction (sous réserve de certaines conditions).
Par un arrêt de section du 27 octobre 2006, le Conseil d'Etat rappelle solennellement les limites de ce pouvoir de sanction au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH).
En l'espèce, la 1ère section de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait statué par une décision du 3 novembre 2004 sur les poursuites disciplinaires que le conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) avait engagées à l'encontre d'une société pour des faits commis en 2001 et 2002. Par cette décision, l'AMF avait infligé au président de la société un blâme, ainsi qu'une interdiction d'exercice de gestion pour une durée de trois ans.
Le représentant de la société a donc formé un recours devant le Conseil d'Etat en demande d'annulation de l'acte. Il fonda son recours sur deux moyens distincts. Le représentant soutient tout d'abord que la procédure aurait été irrégulière car méconnaissant les droits de la défense et notamment certaines exigences de l'article 6§3 de la CESDH. Il soutient ensuite que l'article 6§1 aurait également été violé et plus précisément dans son principe d'impartialité.
La question qui se pose est celle de savoir dans quelles mesures les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme s'appliquent-t-elles aux mesures de sanctions prises par une autorité administrative indépendante.
Bien que le Conseil d'Etat ait rejeté le moyen tiré de la violation des droits de la défense, celui-ci va tout de même faire droit à la demande de la société en accueillant le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité. Il annule la mesure prise par l'AMF et la condamne au versement de dommages et intérêts.
Ainsi, le juge administratif vient définir les modalités d'application de l'article 6 aux mesures de sanctions prises par les AAI. Il précise l'applicabilité de l'article 6 en ce qui concerne ses dispositions pénales (I) ainsi que l'étendue du contrôle effectué par le juge concernant le principe d'impartialité (II).
[...] En effet, cela tient à l'origine de ces autorités. On sait que celles-ci furent en partie créées dans un souci d'impartialité et d'indépendance pour les administrés. Si un membre venait à manquer à cet objectif, cela viendrait complètement remettre en cause l'essence même de l'autorité administrative indépendante. L'utilité de telles autorités serait donc inopérante. En raison de ce contrôle important opéré par le juge, le principe d'impartialité est très fréquemment invoqué par les requérants d'une demande d'annulation d'une mesure de sanction prise par une AAI. [...]
[...] Cette nécessité de réformation est évoquée par différents auteurs et notamment B. Quiniry qui considère qu'il serait opportun de prévoir un mécanisme de récusation des membres des organes administratifs pour prévenir la partialité de manière efficace. Cela permettrait de remplacer le contrôle a posteriori du juge pour une vérification a priori ouverte aux personnes mises en cause par les décisions de ces organes. Enfin, cela permettrait de mettre sur un pied d'égalité organes juridictionnels et autorités administratives dans leur pouvoir de sanction. [...]
[...] Le Conseil d'Etat a ici une position similaire à la Cour d'Appel, car il tente de justifier sa position en arguant du fait que les décisions prises par l'AMF sont soumises au contrôle du juge a posteriori. Cet argument est discutable. En effet, il n'est pas unanimement partagé par la doctrine. Pierre Delvolvé semble comprendre la position du Conseil d'Etat ; il affirme en effet que : l'essentiel est que le juge chargé de ce contrôle présente toutes les caractéristiques et garanties d'un tribunal recommandé par l'article À l'inverse, beaucoup d'autres auteurs semblent réfractaires à cette application fragmentaire de l'article 6. [...]
[...] Le Conseil d'Etat vient donc sanctionner un conflit d'intérêt évident. Il faut rappeler qu'on distingue traditionnellement deux formes de partialité, l'une subjective, l'autre objective, dont l'identification peut conduire à censurer le manque d'objectivité et le défaut de neutralité qu'elles caractérisent. La partialité est subjective lorsque c'est le comportement et donc la personnalité du juge ou de l'agent qui est en cause, elle est objective lorsque c'est la composition ou la procédure suivie qui fait peser un doute sur la régularité de la décision. [...]
[...] Serment et J. Andriantsimbazovina qui, dans leur article paru à la revue française de droit administratif énoncent que : Le tronçonnage de l'article 6 n'est pas satisfaisant théoriquement, car il est porteur d'une imprévisibilité excessive Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a donc précisé sa jurisprudence quant à l'application des dispositions pénales sur les mesures de sanctions prises par les autorités administratives indépendantes. Ce n'est pas le seul intérêt de cette décision. En effet, le Conseil d'Etat vient également préciser le champ d'application du principe d'impartialité posé par l'article 6§1. [...]
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