L'arrêt du Conseil d'Etat, Ministre de l'intérieur contre commune de Saint Florent, en date du 6 octobre 2000 est original car les juges cassent l'arrêt de la Cour Administrative d'appel de Marseille refusant ainsi le revirement de jurisprudence favorable au régime de la faute simple mais reconnaissent néanmoins la responsabilité pour faute lourde du représentant de l'Etat.
Le syndicat intercommunal du Nebbio regroupe plusieurs petites communes corses. Sur proposition de l'une d'entre elles: Olmeta di Tuda et à son seul bénéfice, le syndicat décide de créer une foire exposition et un parc touristique dont le coût de réalisation s'élevait à plus de 13 000 000 de francs. Après la dissolution du Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple (SIVOM) les communes doivent alors d'office assumer la charge financière du projet. Cependant, elles estiment que le surcoût dans leur budget communal trouve son origine dans la carence du préfet de Haute-Corse eu égard à l'exercice de son contrôle sur le syndicat.
Les communes engagent par conséquent la responsabilité de l'Etat devant le Tribunal administratif de Bastia qui rejette la requête. Le juge doit se prononcer sur l'existence d'une faute lourde du préfet quant au contrôle du syndicat intercommunal du Nebbio. De manière plus générale, la haute assemblée peut elle revenir sur la jurisprudence traditionnelle et admettre que les activités de contrôle engagent la responsabilité de l'Etat non seulement en cas de faute lourde mais aussi en cas de faute simple imputable au service de contrôle?
A l'issue de la procédure le Conseil d'Etat dans un arrêt du 6 octobre 2000 rejette l'appel incident novateur qui accepte le régime de la faute simple jugeant que: "la durée inhabituelle de la procédure de dissolution ne saurait être regardée comme révélant l'existence d'une faute lourde des services de l'Etat" "les conditions dans lesquelles ce contrôle a été exercé par le préfet de Haute-Corse ne saurait d'avantage être regardées comme révélant une faute lourde des services de l'Etat". En revanche "en s'abstenant pendant trois années consécutives de déférer au Tribunal administratif neuf délibérations dont l'illégalité ressortait avec évidence des pièces qui lui étaient transmises et dont les conséquences financières étaient graves pour les communes concernées a commis compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, dans l'exercice du contrôle de légalité qui lui incombait, une faute lourde de nature a engager la responsabilité de l'Etat" toutefois "les fautes du syndicat et des communes adhérentes sont de nature a atténuer la responsabilité de l'Etat."
Il faut alors envisager d'une part la persistance du régime de la faute lourde en matière de contrôle de l'Etat sur les collectivités locales (I) et d'autre part la reconnaissance nuancée de la faute lourde du représentant de l'Etat (II).
[...] II: La reconnaissance nuancée de la faute lourde du représentant de l'Etat L'acceptation de la faute lourde du préfet se traduit par la constatation du manquement à son obligation de contrôle de légalité acceptation modérée par la mise en avant des fautes du syndicat et des communes Les manquements manifeste du préfet à son obligation de contrôle de légalité Il faut tout d'abord constater la volonté du Conseil d'Etat de nuancer sa décision par l'emploi du terme "en revanche". De plus l'appréciation résulte toujours de l'instruction et des circonstances de l'espèce dénotent une certaine rigueur dans le travail effectué par les juges. [...]
[...] Article 6 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'intérieur est rejeté. Article 7 : Les conclusions des communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo Pietro di Tenda tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 8 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et aux communes de Saint-Florent, Barbaggio, Farinole, Murato, Oletta, Poggio d'Oletta, Rapale, Rutali, Sorio, Lama, Pietralba et Santo Pietro di Tenda. [...]
[...] Ensuite le Conseil semble fonder la faute lourde sur l'accumulation: "le préfet de la haute corse, en s'abstenant pendant 3 années consécutives de déférer au Tribunal administratif 9 délibérations". Il suit ainsi la doctrine et notamment Touvet qui assimile la faute lourde à une carence manifestement répétée entraînant des conséquences graves. Cela peut se résumer par une situation malsaine tendant à s'installer. Néanmoins l'accumulation n'entraîne pas toujours une faute lourde. Dans l'arrêt Epoux V de 1992, l'accumulation d'erreur dans les soins a entraîné la faute simple. De plus se fonder sur une somme de carence est subjectif. [...]
[...] L'intérêt pour l'Etat est de diminuer sa charge financière. Avec la prise en compte de la faute simple la Cour administrative d'appel de Marseille avait évalué la prise en charge du préjudice par l'Etat à un tiers. Mais la qualification en faute lourde qui est une faute relativement limitée dans son étendue permet de laisser la place à la faute des communes. Ainsi l'Etat n'est plus responsable de toutes les carences et ne supporte donc plus la majorité du préjudice (un cinquième en l'espèce). [...]
[...] "Pour le surplus" la "difficulté d'évaluer le passif" explique ces retards c'est à dire la difficulté d'évaluer avec précision les dettes engendrées par le syndicat. Cela reflète le maintient général de la notion de faute lourde pour les activités réputées difficiles. Les collectivités locales peuvent être en effet considérées comme des domaines sensibles pour le contrôle de leur activité. Le préfet évite souvent d'intervenir pour ne pas entraver les politiques locales de développement et d'emplois telle que la création d'une foire exposition et d'un parc touristique sur la commune d'Olmeta di Tuda. [...]
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