Cet arrêt est à mi chemin entre rupture et continuité.
En effet, dans cette affaire, la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes a demandé à Mr Gardedieu le paiement de cotisations qu'il devait en vertu du décret du 27 février 1985. Mr Gardedieu ne souhaitant pas payer car il estimait le paiement de ces cotisations illégales a tout d'abord contesté la légalité du paiement de ces cotisations devant le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale de Beauvais. Lors de la procédure, le tribunal des affaires de Sécurité Sociale a sursis à statuer et à posé une question préjudicielle au Conseil d'Etat concernant la légalité du décret du 27 février 1985. Ce dernier a, le 18 février 1994, répondu que le décret en cause était illégal. Mais le législateur a édicté une loi le 25 juillet 1994 qui valide les appels de cotisations effectués en application du décret de 1985. En conséquence, le tribunal des affaires de Sécurité Sociale a écarté les prétentions de Mr Gardedieu.
Ainsi, ce dernier, après avoir payé les cotisations, a formulé une demande d'indemnisation auprès du Premier ministre. Devant le refus du Premier Ministre, Mr Gardedieu a intenté une action indemnitaire contre l'Etat pour obtenir réparation de son préjudice qui résultait de la loi. Cependant, le Tribunal administratif, tout comme la Cour administrative d'appel, ont refusé de condamner l'Etat à indemniser le préjudice de Mr Gardedieu car ils estimaient que la loi, étant intervenue dans un but d'intérêt général suffisant, elle pouvait porter atteinte à l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme. Mr Gardedieu a donc formé une requête devant le Conseil d'Etat en demandant d'une part à ce que soit annulé l'article 2 et 3 de la Cour administrative d'appel, ainsi que l'annulation du jugement du Tribunal administratif. D'autre part, Mr Gardedieu a demandé que soit condamné l'Etat à lui payer la somme de 400 000 euros au titre des dommages et intérêts, majorés des intérêts légaux courant à compter de la demande préalable d'indemnité formulé devant le Premier Ministre. Enfin, Mr Gardedieu a demandé au Conseil d'Etat de faire droit à ses conclusions d'instance et d'appel et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Ainsi, on peut donc se poser deux questions. D'une part, une loi rétroactive, validant des décisions litigieuses en cours de procès, est-elle contraire à des textes internationaux ? D'autre part, l'édiction d'une loi inconventionnelle peut-elle engager la responsabilité de l'Etat ?
A ces questions, l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, dans son arrêt 8 février 2007 a répondu par la positive. Ainsi, le Conseil d'Etat a commencé par nous dire que la responsabilité de l'Etat, du fait des lois, pouvait être engagée dans deux hypothèses. La première hypothèse est le cas où une loi serait contraire au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publics à conditions, cependant, que cette loi n'est pas exclut toute possibilité d'indemnisation et que le préjudice causé, par cette loi, soit anormalement grave et spécial. La seconde hypothèse est le cas où une loi, édictée, méconnaitrait des textes internationaux. En effet, le Conseil d'Etat nous rappelle que l'Etat à l'obligation d'assurer le respect des textes internationaux. Après avoir rappelé ces deux règles ainsi que le contenu de l'article sur le droit au procès équitable de la Convention européenne des droits de l'homme (article 6-1), le Conseil d'Etat estime que la loi du 24 juillet 1994, rétroactive, qui a pour objet d'effectuer des validations litigieuses, en cours de procès, porte atteinte au droit de toute personne à un procès équitable. Cependant, le Conseil d'Etat nous précise qu'il est possible de porter atteinte à ce droit si cela est justifiée par d'impérieux motifs d'intérêt général. Or, c'est sur ce point que le Tribunal administratif et la Cour administrative d'appel ont fait une erreur de droit puisqu'ils ont considéré qu'un but d'intérêt général suffisant permettait de porter atteinte aux textes internationaux. En conséquence, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel ainsi que le jugement du Tribunal administratif et a jugé l'affaire au fond. Or, selon le Conseil d'Etat l'objectif de préserver l'intérêt financier de la caisse de retraite des chirurgiens-dentistes ne caractérise pas un motif impérieux d'intérêt général. En conséquence, l'atteinte que cette loi porte au droit à un procès équitable n'est pas justifiée. En conséquence, le Conseil d'Etat, estimant que la loi du 25 juillet 1994 est incompatible avec le droit au procès équitable, a décidé d'engager la responsabilité de l'Etat ce qui signifie qu'il considère que Mr Gardedieu doit être indemnisé pour le préjudice qu'il a subit du fait de cette loi. Ainsi, il estime que l'Etat devra verser à Mr Gardedieu la somme de 2 800 euros, le montant du préjudice tenant compte du montant des cotisations dont le bien fondé est en cause. En outre, Mr Gardedieu a droit aux intérêts à taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable d'indemnisation faite au Premier ministre. Enfin, l'Etat devra verser à Mr Gardedieu, la somme de 5000 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Ainsi, après avoir vu que cette loi inconventionnelle n'était pas justifiée par l'existence d'impérieux motifs d'intérêt général (I), nous verrons que du fait de cette loi inconventionnelle, la responsabilité de l'Etat est engagée ce qui entraine la réparation des préjudices subis (II).
[...] C'est ce que le Conseil d'Etat nous dit explicitement dans sa décision, puisqu'il nous dit que la Cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en rejetant la requête de Mr Gardedieu au motif que cette loi avait été prise dans un intérêt général suffisant. Or, après avoir précisé qu'il existait une exception au principe qui pose qu'une loi doit respecter les engagements internationaux, le Conseil d'Etat nous dit qu'en l'espèce, l'impérieux motif d'intérêt général dans lequel aurait été prise cette loi n'est pas avéré. [...]
[...] Conseil d'Etat, Gardedieu février 2007 Cet arrêt est à mi chemin entre rupture et continuité. En effet, dans cette affaire, la caisse de retraite des chirurgiens- dentistes a demandé à Mr Gardedieu le paiement de cotisations qu'il devait en vertu du décret du 27 février 1985. Mr Gardedieu ne souhaitant pas payer car il estimait le paiement de ces cotisations illégales a tout d'abord contesté la légalité du paiement de ces cotisations devant le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale de Beauvais. [...]
[...] En conséquence, on peut dire que cet arrêt pose une nouvelle branche à la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des lois. Cependant, dans cette hypothèse, le simple fait de l'édiction d'une loi inconventionnelle, engage la responsabilité de l'Etat. Or, en l'espèce, comme nous l'avons vu ci-dessus, la loi du 24 juillet 1994 est inconventionnelle, puisque contraire à l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, Mr Gardedieu est donc fondé à engager la responsabilité de l'Etat et à demander au Conseil d'Etat la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables L'obligation pour l'Etat de réparer tous les préjudices découlant de cette loi Même si dans cette hypothèse, le régime de la responsabilité de l'Etat du fait d'une loi édictée en méconnaissance d'un texte international est un régime de responsabilité sans faute, le Conseil d'Etat nous précise que le préjudice ne doit pas forcément revêtir un caractère grave et spécial pour être réparé. [...]
[...] Enfin, on peut donc dire que cet arrêt Gardedieu, du Conseil d'Etat du 8 février 2007, permet de hausser le niveau de garanties offertes au justiciables français. Même s'il faut tout de même souligner que la portée de cet arrêt est réduite puisque généralement il n'y a pas de lien direct entre la loi et le dommage. [...]
[...] En effet, le Conseil d'Etat concilie, ici, l'intérêt général et celui des particuliers. Au vu des fonctions de la caisse de retraite, on ne peut pas imaginer que le Conseil d'Etat fixe un montant de réparation excessif. C'est pourquoi, en l'espèce, l'Etat ne devra verser à Mr Gardedieu que la somme de euros et non pas celle de euros, initialement demandée par Mr Gardedieu. Mais, il faut tout de même noter que cet arrêt du Conseil d'Etat n'est pas une solution nouvelle. [...]
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