Suite aux récentes évolutions jurisprudentielles majeures du Conseil d'Etat, le Commissaire du Gouvernement Matthias Guyomar argumentait qu'alors « que se développe en Europe, comme nous l'avons vu, un mouvement général de coopération judiciaire entre les cours suprêmes nationales et la CJCE, il serait hasardeux de faire cavalier seul ». En effet, dans toutes les branches du droit, le droit international occupent une place sans cesse plus importante, notamment sur un plan européen et communautaire. Ainsi, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et les traités et normes communautaires s'imposent aux Etats dans des domaines particulièrement vastes, tels que la protection des droits de l'homme. Leur place dans le droit positif français est donc de plus en plus prééminente et les juges doivent fréquemment revoir leurs interprétations et les schémas jusqu'alors préétablis en droit national afin de les adapter aux nouvelles réalités.
En date du 8 février 2007, l'Assemblée du Conseil d'Etat a rendu un arrêt en matière d'engagement de la responsabilité d'un Etat dans le cas d'un préjudice causé par une loi inconventionnelle.
M.Gardedieu est chirurgien-dentiste et adhère depuis de nombreuses années à la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes. Il verse régulièrement des cotisations au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire. Le 27 février 1985, un décret augmente les tarifs de la cotisation minimale devant être versée à la caisse. M.Gardedieu refuse de se voir appliquer le nouveau tarif et poursuit donc ses versements selon les tarifs basés sur la réglementation antérieure.
Le litige opposant la caisse à M.Gardedieu est porté devant le Tribunal des affaires de la sécurité sociale de Beauvais, qui surseoit à statuer et pose une question préjudicielle au Conseil d'Etat afin de savoir si le décret contesté par M.Gardedieu est légal. Le Conseil d'Etat considère ce décret comme illégal pour irrégularité. Toutefois, le 25 juillet 1994, une loi a validé les dispositions dudit décret, avant que le TASS ait statué de manière définitive. La demande de l'intéressé est donc rejetée.
En 1996, M.Gardedieu saisit le Premier Ministre, auquel il demande indemnisation du préjudice qu'il a subi, et voit ses prétentions une nouvelle fois rejetées. Il porte donc l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris qui, le 9 avril 2002, refuse d'engager la responsabilité de l'Etat, sur la base de la jurisprudence dite « La Fleurette » de 1938. En appel, devant la Cour administrative d'appel de Paris, M.Gardedieu fait valoir la violation de l'article 6 de la CEDH afin de voir la responsabilité pour faute de l'Etat engagée. Une fois encore, son appel, par une décision du 19 janvier 2005, est rejeté, écartant la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute.
M.Gardedieu se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d'Etat, afin d'obtenir l'annulation de l'arrêt de la CAA de Paris qui a rejeté toute responsabilité pour faute de l'Etat, mais aussi toute responsabilité pour faute reposant sur l'inégalité devant les charges publiques.
Dès lors, plusieurs questions sont posées au Conseil d'Etat :
• Est-ce à raison que la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté le moyen basé sur l'incompatibilité de la loi de 1994 avec l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?
• La responsabilité de l'Etat peut-elle être engagée lorsqu'une loi inconventionnelle a causé un préjudice à un particulier ?
• En cas d'engagement de la responsabilité de l'Etat, sur quel terrain devra-t-elle être retenue ?
Le Conseil d'Etat a en l'espèce tout d'abord annulé le jugement de la CAA de Paris dans ses articles 2 et 3 en ce qu'il écartait à tort le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi de 1994 étaient contraires aux stipulations de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Ensuite, l'Assemblée a retenu que la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée du fait d'un préjudice causé à un particulier par une méconnaissance d'une convention internationale. Enfin, le Conseil d'Etat rend ici une décision novatrice en ce qu'il ne se place pas véritablement sur l'un des terrains préexistants de la responsabilité administrative.
Il convient, afin de commenter cet arrêt, de s'intéresser, dans un premier temps, au contrôle du respect des conventions internationales et à la responsabilité des Etats qui en découle, en cas de non-respect des stipulations (I). Dans un second temps, il faut se pencher sur le terrain de responsabilité afin de voir dans quelle mesure la responsabilité de l'Etat ici retenue peut s'intégrer dans les terrains classiques de la responsabilité (II)
[...] En date du 8 février 2007, l'Assemblée du Conseil d'Etat a rendu un arrêt en matière d'engagement de la responsabilité d'un Etat dans le cas d'un préjudice causé par une loi inconventionnelle. M.Gardedieu est chirurgien-dentiste et adhère depuis de nombreuses années à la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes. Il verse régulièrement des cotisations au titre du régime d'assurance vieillesse complémentaire. Le 27 février 1985, un décret augmente les tarifs de la cotisation minimale devant être versée à la caisse. [...]
[...] Dès lors, le caractère spécial du préjudice n'est plus avéré. Luc Derepas, commissaire du Gouvernement sur cette affaire, explique ainsi que la rupture d'égalité peut difficilement être invoquée, puisque ce sont tous les destinataires de la loi qui sont victimes, et non certains d'entre eux La responsabilité sans faute ne semble donc pas être ici susceptible de servir de base à la décision du Conseil d'Etat. Il faut donc examiner maintenant la responsabilité pour faute. En effet, toute illégalité est, en principe, fautive, selon la jurisprudence Ville de Paris contre Driancourt du 26 janvier 1996. [...]
[...] Enfin, le Conseil d'Etat rend ici une décision novatrice en ce qu'il ne se place pas véritablement sur l'un des terrains préexistants de la responsabilité administrative. Il convient, afin de commenter cet arrêt, de s'intéresser, dans un premier temps, au contrôle du respect des conventions internationales et à la responsabilité des Etats qui en découle, en cas de non-respect des stipulations Dans un second temps, il faut se pencher sur le terrain de responsabilité afin de voir dans quelle mesure la responsabilité de l'Etat ici retenue peut s'intégrer dans les terrains classiques de la responsabilité (II). [...]
[...] Cela a poussé le Conseil d'Etat à se placer sur un champ intermédiaire, différent de ces deux branches traditionnelles. Le choix d'un nouveau type de responsabilité administrative Comme nous l'avons précédemment mis en évidence, les faits soumis à l'Assemblée du Conseil d'Etat ne peuvent ici se raccrocher à l'un des deux modes de responsabilité classique. La doctrine est en désaccord sur l'interprétation de ce nouveau fondement, mais elle s'accorde à dire qu'il existe une responsabilité autre que celle pour faute ou sans faute. [...]
[...] C'est pourquoi il a fallu que le Conseil d'Etat décide dans quelle mesure la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée. Une nouvelle fois, la jurisprudence communautaire joue un rôle prééminent. En effet, dans un arrêt Francovitch contre République italienne du 19 novembre 1991, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré qu'un Etat qui méconnaît une norme communautaire doit réparer le préjudice causé du fait de cette méconnaissance. Cette réparation doit être réalisée dans le cadre du droit national de la responsabilité, soit selon les modalités nationales de responsabilité administrative. [...]
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